Macron au pied du mur « Le brouillard absolu » s’installe à l’Élysée

ATS

6.10.2025 - 22:36

La France au bord de la crise de régime? Après la démission fracassante de Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron se retrouve au pied du mur, avec peu d'options et peu de visibilité, dans un climat d'incrédulité générale.

Les premiers ministres sous Emmanuel Macron

Les premiers ministres sous Emmanuel Macron

Depuis 2017, Emmanuel Macron a nommé 7 Premiers ministres, confrontés à des contextes difficiles, des contraintes politiques, et des attentes fortes. Les bilans restent contrastés.

06.10.2025

Keystone-SDA

Le chef de l'Etat a donné lundi soir 48 heures au premier ministre démissionnaire pour tenter de sortir de l'ornière et recomposer une majorité, fût-elle relative.

Avec à la clé, s'il échoue, la menace d'une nouvelle dissolution, la deuxième en 16 mois. Voire pour certains le spectre d'une démission du président. Et avant cela un ènième premier ministre, le quatrième en un an?

«Dans la situation actuelle, aucune force politique ne peut négocier sans risquer de se compromettre vis-à-vis de son électorat», anticipe Delphine Dulong, professeur de sciences politiques à l'université Paris 1.

L'urgence: un budget

Quoiqu'il en soit, «le président va être bien obligé de nommer à un moment un nouveau premier ministre», avance un proche de la première heure, en pointant un des rares avantages de la situation actuelle: «un gouvernement démissionnaire n'est pas censurable».

Car l'urgence reste la même, présenter et faire adopter au plus vite un budget pour 2026, premier gage de stabilité d'un pays alors que la démission de Sébastien Lecornu a jeté un froid sur les marchés et chez les partenaires européens de la France.

Après trois premiers ministres issus de la droite et du centre depuis la dissolution ratée de 2024, Emmanuel Macron pourrait choisir de se tourner vers la gauche, même si ce scénario n'a jamais eu sa faveur.

«Plus de majorité»

«Soit le président donne sa chance à la gauche, pour montrer que ça ne marche pas. Soit il nomme un gouvernement vraiment technique, quelqu'un sans mandat, avec des ministres techniciens, en assumant une forme de dépolitisation», esquisse un cadre du camp présidentiel.

Pour Mathilde Philip, constitutionnaliste à l'Université Lyon 3, le chef de l'Etat, toujours très actif en coulisses, comme les responsables de partis, déjà tous tendus vers la présidentielle de 2027, doivent changer de logiciel et laisser le dernier mot au Parlement.

«Ce qui a changé, c'est qu'il n'y a plus de majorité au Parlement. Il n'y a plus de parti dominant», observe-t-elle. «Il faut donc davantage laisser la mainmise aux parlementaires pour trouver un accord de coalition. C'est la dernière chance pour éviter une crise de régime», avertit-elle.

Pour d'autres en revanche, l'heure de la dissolution a déjà sonné. Aux deux bouts de l'échiquier, Rassemblement national et Insoumis la réclament haut et fort.

«En cas de nouvelles élections, ce serait une victoire du RN. Le front républicain est mort», avertit toutefois le cadre du camp présidentiel.

«Qu"il parle!»

Et si Emmanuel Macron perd deux fois les élections, «il sera obligé de démissionner», affirme un conseiller de l'exécutif, même si l'intéressé rejette avec force cette issue extrême.

En attendant, responsables politiques et observateurs ont perdu toute boussole. «C'est le brouillard absolu», concède un cadre macroniste.

«Personne ne comprend rien. On est dans une incertitude très forte», renchérit Delphine Dulong.

D'autres somment le chef de l'Etat de s'expliquer. «Mais qu'il parle, bon sang!», lance le président LR des Hauts-de-France, Xavier Bertrand. «La politique internationale c'est important (..) mais l'intérêt des Français c'est encore plus important», martèle-t-il.

Stabilité française importante pour l'Europe

Depuis la nomination de Sébastien Lecornu, le 9 septembre, le chef de l'Etat s'est surtout illustré sur la scène internationale, prenant la tête du camp pour la reconnaissance d'un Etat palestinien à l'ONU ou celui de la lutte contre la flotte pétrolière russe fantôme en Europe.

«Son aptitude à prendre des initiatives sur la scène internationale risque toutefois d'être affectée» par la nouvelle crise, relève Célia Belin au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR) à Paris.

A Berlin comme ailleurs, l'inquiétude est palpable. La stabilité de la France est «importante pour l'Europe», a rappelé avec force le porte-parole du gouvernement allemand, Stefan Kornelius.