Manifestations Les agriculteurs attendent de pied ferme les annonces de l'Etat

ch

24.1.2024 - 21:20

Les manifestations paysannes en France ont pris de l'ampleur mercredi alors que Gabriel Attal va réunir les ministres concernés jeudi matin pour faire rapidement des annonces. Les agriculteurs affirment qu'ils ne vont pas se contenter de «mesurettes».

Des agriculteurs français bloquent le viaduc Hubert Touya sur une autoroute mardi 23 janvier 2024 à Bayonne, dans le sud-ouest de la France. Depuis des mois, les agriculteurs protestent pour obtenir de meilleurs salaires et contre ce qu'ils considèrent comme une réglementation excessive, des coûts croissants et d'autres problèmes.
Des agriculteurs français bloquent le viaduc Hubert Touya sur une autoroute mardi 23 janvier 2024 à Bayonne, dans le sud-ouest de la France. Depuis des mois, les agriculteurs protestent pour obtenir de meilleurs salaires et contre ce qu'ils considèrent comme une réglementation excessive, des coûts croissants et d'autres problèmes.
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Keystone-SDA, ch

La mobilisation a encore pris de l'ampleur mercredi avec l'appel de la Confédération paysanne, troisième syndicat d'agriculteurs, classé à gauche, à la mobilisation, à la suite de la FNSEA et de la Coordination rurale à qui elle s'oppose pourtant sur de nombreux sujets.

«C'est un ras-le-bol général, ça fait des mois qu'on essaie de le dire à nos politiques mais rien ne bouge, on en a marre», déclare à l'AFP un agriculteur à Marquise (Pas-de-Calais), pointant aussi «la paperasse» qui «exaspère tout le monde».

Verser plus rapidement des aides, accorder une ristourne immédiate sur le carburant des tracteurs, protéger mieux les revenus des agriculteurs face aux pressions des industriels, réaffirmer l'opposition aux accords de libre-échange... Des annonces immédiates sont possibles.

Laisser faire

Le premier ministre Gabriel Attal a consulté l'ensemble des organisations représentatives et réunira jeudi les ministres de l'Agriculture, de la Transition écologique et de l'Economie. Il devrait se faire des premières annonces jeudi ou vendredi, a-t-on appris de sources concordantes au sein de l'exécutif, avec un déplacement attendu avant le weekend.

En colère, et bien organisés, les agriculteurs multiplient les barrages sur les autoroutes, les rocades et les giratoires, sans intervention des forces de l'ordre. Malgré les désagréments causés, la quasi-totalité des Français (87%) approuvent leur mobilisation, selon un sondage Elabe publié mercredi, et l'ensemble de la classe politique reconnaît leur malaise.

Endeuillé par les décès accidentels d'une éleveuse et de sa fille mardi sur un barrage routier, le mouvement dit y avoir puisé une «rage» supplémentaire. La FNSEA, syndicat majoritaire, a communiqué mercredi soir une «quarantaine» de «revendications claires» à l'adresse de l'exécutif.

Le premier syndicat agricole français et les Jeunes Agriculteurs (JA) exigent en particulier des «réponses immédiates sur la rémunération» dont une aide d'urgence aux «secteurs les plus en crise», et à plus long terme, la mise en oeuvre d'un «chantier de réduction des normes», ont-ils indiqué dans un communiqué.

Cultivateurs et éleveurs partagent un même malaise sur leur avenir, écartelés entre désir de produire et nécessité de réduire leur impact sur la biodiversité et le climat, sur fond de revendications très diverses: marges de la grande distribution, jachères, pesticides, normes environnementales, autorisations administratives, prix du gazole...

Certains menacent de rallier Paris: dans l'Oise, environ 50 tracteurs auparavant positionnés près de Beauvais se déplacent mercredi après-midi sur l'A16 en direction de la capitale.

L'objectif n'est pas de rouler sur les pavés de la ville dans l'immédiat, mais «on veut montrer que la pression monte et qu"on veut des résultats», dit le président des Jeunes agriculteurs de l'Oise, Matthieu Carpentier. Jeudi, «ça dépendra de comment la pression monte.»

Tolérance policière

Les actions continueront jeudi dans de nombreux départements.

En Côte d'Or, «une centaine» de tracteurs, selon les organisateurs, doivent se retrouver dans un champ afin de former, jeudi soir, un SOS géant avec leurs phares et lumières.

«On voit le mouvement prendre de l'ampleur de jour en jour», affirme un conseiller de l'exécutif. Après les rencontres avec les représentants agricoles, «on y voit plus clair sur les priorités et les attentes des uns et des autres».

La porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot a assuré qu'il n'était «pas question de venir empêcher» les blocages routiers, une «mansuétude» que n'a pas manqué de noter l'écologiste Yannick Jadot... et particulièrement flagrante à Agen mercredi, où des membres de la Coordination rurale, classé à droite de la FNSEA, a brûlé paille et pneus devant la préfecture, dont les grilles ont été de nouveau maculées de lisier, sous les yeux de forces de l'ordre impassibles.

Le bio chute

Mais tous les syndicats ne sont pas sur la même ligne. Tout en appelant à la mobilisation, Laurent Thérond, co-porte-parole de la Confédération paysanne dans le Vaucluse, qualifie les dirigeants de la FNSEA de «pompiers pyromanes» en critiquant leur approche productiviste.

«Le changement climatique nous impacte beaucoup et c'est pour ça que les normes (bio ou haute valeur environnementale) sont utiles», remarque un agriculteur et viticulteur de 50 ans, dans le Vaucluse. «Mais les prix que nous propose le marché en ce moment sont la moitié du coût de production», regrette-t-il en appelant à un prix minimum pour ceux proposant des produits labellisés.

Les revendications des agriculteurs sont très spécifiques à leur profession. Mais elles résonnent dans d'autres professions.

A Brest, ils sont rejoints par les artisans des travaux publics, qui prévoient de bloquer jeudi à 07h00 le pont de l'Iroise.