Des milliers d'agriculteurs mobilisés en France, dont un millier qui bloque des autoroutes autour de Paris: le monde agricole ne relâche pas lundi soir la pression sur le gouvernement qui promet de «nouvelles mesures» dès mardi après un premier volet jugé insuffisant.
Des agriculteurs en tracteur sur une autoroute vers Paris, au nord de la capitale, qu'ils entendent "assiéger".
A Jossigny, à une trentaine de kilomètres de Paris, les manifestants se sont donné les moyens de tenir leur installation pendant au moins trois jours.
Les agriculteurs campent autour de Paris - Gallery
Des agriculteurs en tracteur sur une autoroute vers Paris, au nord de la capitale, qu'ils entendent "assiéger".
A Jossigny, à une trentaine de kilomètres de Paris, les manifestants se sont donné les moyens de tenir leur installation pendant au moins trois jours.
Tout autour de Paris, la circulation est perturbée avec des portions d'autoroutes fermées à quelques dizaines de kilomètres de la capitale, selon le site Sytadin. Paris elle-même n'est pas bloquée, ni le marché vital de Rungis (Val-de-Marne) et les aéroports parisiens.
De «nouvelles mesures seront prises dès demain» en faveur des agriculteurs, a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l'issue du Conseil des ministres.
Le chef du gouvernement, Gabriel Attal, reçoit depuis 18h00 les présidents du premier syndicat agricole français FNSEA et des Jeunes agriculteurs (JA), en présence des ministres de l'Agriculture Marc Fesneau et de la Transition écologique Christophe Béchu.
Non convié, le syndicat minoritaire Confédération paysanne, de gauche, appelle les autres organisations à porter principalement «deux mesures»: «l'arrêt des accords de libre-échange et la suspension immédiate de toutes les négociations» et «l'interdiction formelle de l'achat des produits agricoles en dessous de leur prix de revient».
Selon une source policière, «un peu moins de 10'000 agriculteurs étaient mobilisés sur le terrain dans toute la France» lundi en fin d'après-midi, «avec près de 5000 engins». «Les blocages autour de Paris comptent un millier d'agriculteurs et un peu plus de 500 engins», selon cette même source qui relève que «l'objectif de tenir jusqu'à vendredi est manifeste».
«Pas envie d'embêter»
A une trentaine de kilomètres à l'est de la capitale, à Jossigny (Seine-et-Marne), l'A4 est bloquée. Camions frigorifiques, groupes électrogènes, citernes d'eau et toilette de chantier: le groupe de manifestants s'est donné les moyens de tenir son installation pendant au moins trois jours. Une vingtaine d'entre eux a prévu de passer la nuit dans un semi-remorque au plancher recouvert de paille.
«On a tous envie de retourner auprès de nos cultures et de nos animaux,» assure Samuel Vandaele, secrétaire général de la FDSEA 77 et ex-président des JA. «On n'a pas envie d'embêter nos concitoyens», ajoute-t-il, tout en organisant le campement.
A l'ouest, l'autoroute A13, qui relie la Normandie à Paris, est fermée dans les deux sens à environ 60 km vers la gare de péage de Buchelay, dans les Yvelines. Les agriculteurs se sont organisés pour tenir jusqu'à jeudi, avec tours de garde et renforts prévus mardi.
L'A6, au sud de Paris, et l'A1, au nord, sont aussi coupées, dans ce dernier cas à quelques encablures de l'aéroport Paris-CDG. Même mot d'ordre: les agriculteurs dormiront sur place «le temps qu'il faudra», dit le vice-président de la FNSEA, Luc Smessaert.
«Modération»
Le gouvernement laisse faire et encadre les manifestants, mais veut empêcher que les tracteurs n'entrent dans «Paris et les grandes villes», le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin demandant de la «modération» à ses troupes.
M. Attal, qui fera sa déclaration de politique générale mardi, a dévoilé vendredi de premières mesures, dont l'abandon de la hausse de la taxe sur le gazole non routier (GNR) et des indemnités gonflées pour les éleveurs dont les bovins ont été touchés par la maladie hémorragique épizootique.
Mais les agriculteurs disent réclamer autre chose que des «mesurettes» dans une France qui a perdu les trois quarts de ses exploitants en 50 ans et recourt de plus en plus aux importations: un poulet consommé en France sur deux vient d'ailleurs, comme 60% des fruits.
Les organisations écologistes s'inquiètent d'un éventuel retour en arrière sur les normes environnementales, les syndicats dominants tentant de pousser leur avantage. Ils demandent notamment de revenir sur des restrictions d'usage des pesticides.
«Doucement»
Le reste de la France aussi connaît des barrages et manifestations. A Lyon, un blocage a débuté «doucement», «le gros des troupes arrivera demain (mardi)», selon Michel Joux, patron de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes.
Dans le Lot, des agriculteurs ont pénétré dans un supermarché Leclerc à Capdenac pour y prélever des produits importés. Selon la préfecture, ils ont emporté l'équivalent de 25 chariots. Des denrées ont été remises aux Restos du coeur, a affirmé Julien Vielcazal, président des JA du Lot, à une correspondante de l'AFP.
Le marché de gros de Rungis, poumon alimentaire de la capitale, est protégé par des blindés de la gendarmerie, destination annoncée d'une trentaine de tracteurs qui ont pris la route lundi matin depuis Agen, à l'appel du syndicat Coordination rurale. Ceux-ci n'arriveront pas avant mardi soir ou mercredi.
Signe d'une certaine fébrilité, la préfecture de la Drôme a demandé aux habitants du département «de ne pas constituer de stocks alimentaires», assurant que «les principales grandes surfaces de la Drôme restent correctement approvisionnées en denrées alimentaires et en carburant».
L'enjeu est loin d'être circonscrit au territoire national, les agriculteurs recevant l'essentiel de leurs subsides de l'Union européenne, via la PAC.
L'Elysée a annoncé que le chef de l'Etat Emmanuel Macron allait s'entretenir avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen jeudi à Bruxelles de la crise du monde agricole et des mesures de soutien que les agriculteurs demandent au niveau de l'UE.