La mine graveLes Nobel de la paix dénoncent la guerre «folle» de Poutine
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10.12.2022 - 15:32
Un trio russe, ukrainien et bélarusse a reçu samedi le Prix Nobel de la paix à Oslo. Ils ont appelé à ne pas baisser les armes dans la guerre «folle et criminelle» que Vladimir Poutine a lancée en Ukraine.
Keystone-SDA, ro
10.12.2022, 15:32
10.12.2022, 15:50
ATS
Issus des trois principaux Etats protagonistes du conflit, le militant bélarusse Ales Beliatski, emprisonné dans son pays, l'ONG russe Memorial, dissoute sur ordre de la justice, et le Centre ukrainien pour les libertés civiles (CCL) ont été couronnés pour leur engagement en faveur «des droits humains, de la démocratie et de la coexistence pacifique» face aux forces autoritaires.
Le Nobel n'a pas entamé leur pugnacité – même s'ils n'ont affiché aucun signe d'effusions entre eux lors de la cérémonie de remise du prix. «Le peuple d'Ukraine veut la paix plus que quiconque dans le monde», a déclaré la cheffe du CCL, Oleksandra Matviïtchouk. «Mais la paix pour un pays attaqué ne peut être atteinte en déposant les armes. Ce ne serait pas la paix, mais l'occupation», a-t-elle dit.
«Redonner un nom aux victimes»
Créé en 2007, le centre qu'elle dirige documente aujourd'hui les crimes de guerre commis par les troupes russes en Ukraine: les destructions d'immeubles d'habitations, d'églises, d'écoles et d'hôpitaux, les bombardements des couloirs d'évacuation, les déplacements forcés de population, les tortures et les crimes...
Conséquence des bombardements sur les infrastructures énergétiques ukrainiennes, Mme Matviïtchouk a elle-même écrit son discours de remerciement pour le Nobel à la lueur d'une bougie, a-t-elle confié juste avant la cérémonie.
En neuf mois d'invasion russe, le CCL a dénombré «plus de 27'000 épisodes» de crimes de guerre, selon elle, et c'est «seulement le sommet de l'iceberg». «La guerre transforme les gens en nombres. Nous devons redonner un nom à toutes les victimes de crimes de guerre», a-t-elle souligné.
La voix étranglée d'émotion durant son discours, Mme Matviïtchouk a de nouveau appelé à la création d'un tribunal international pour juger «Poutine, (son allié, le président bélarusse Alexandre) Loukachenko et d'autres criminels de guerre».
«Ambitions impériales»
Son colauréat russe Ian Ratchinski, le président de Memorial, a de son côté dénoncé les «ambitions impériales» héritées de l'URSS qui «fleurissent toujours aujourd'hui». La Russie de Vladimir Poutine a détourné le sens historique de la lutte antifasciste «au profit de ses propres intérêts politiques», a-t-il dit.
Désormais, «résister à la Russie équivaut à du fascisme». Une dénaturation qui fournit «la justification idéologique à la guerre d'agression folle et criminelle contre l'Ukraine», a-t-il affirmé, malgré les interdictions imposées par Moscou de critiquer publiquement l'invasion.
Fondée en 1989, Memorial a oeuvré à faire la lumière sur les crimes commis sous le régime de Staline et préserver la mémoire de ses victimes, puis à collecter des informations sur la violation des libertés et des droits en Russie. L'ONG a été dissoute fin 2021 par la justice russe, qui a ordonné la saisie de ses bureaux à Moscou le 7 octobre, le soir même de l'attribution du prix Nobel.
«Aujourd'hui, le nombre de prisonniers politiques en Russie est supérieur à leur nombre total dans toute l'Union soviétique au début de la période de la perestroïka dans les années 1980», a noté M. Ratchinski.
Privé de parole
Le troisième lauréat, Ales Beliatski, père de l'ONG de défense des droits humains Viasna, est incarcéré depuis juillet 2021. Dans l'attente d'un procès où il encourt 12 ans de prison pour «contrebande» d'espèces au profit de l'opposition au régime répressif de M. Loukachenko, le militant de 60 ans n'a pas été autorisé à transmettre un discours de remerciement pour le Nobel.
A la cérémonie, son épouse Natalia Pintchouk a dû se contenter de répéter quelques-uns de ses mots, notamment ceux dans lesquels il appelle à se dresser contre «l'internationale des dictatures».
En Ukraine, la Russie vise à établir «une dictature vassale, la même chose que le Bélarus d'aujourd'hui, où la voix du peuple opprimé est ignorée, avec des bases militaires russes, une énorme dépendance économique, une russification culturelle et linguistique», a-t-il dit par la voix de sa femme. «La bonté et la vérité doivent pouvoir se protéger», a-t-il aussi affirmé.
26 lauréats à Stockholm
A Stockholm, où sont décernés les autres Nobel (médecine, physique, chimie, littérature et économie), ce sont pas moins de 26 vainqueurs qui participeront cette année aux festivités, dont l'écrivaine française Annie Ernaux. La faute au Covid-19 qui avait empêché les lauréats 2020 et 2021 de se rendre dans la capitale suédoise.