S'opposer «Les racistes pensent parler au nom de toute la population»

De Gil Bieler

1.10.2020

Une personne a récemment pris place dans un tramway de Zurich avec ce genre de masque: des membres du Ku Klux Klan, une organisation raciste, se rassemblent à Gary, dans l’Indiana.
Une personne a récemment pris place dans un tramway de Zurich avec ce genre de masque: des membres du Ku Klux Klan, une organisation raciste, se rassemblent à Gary, dans l’Indiana.
Keystone

Quelle est le meilleur comportement à adopter face à un raciste dans un tramway? Un expert recommande de s’opposer sans toutefois se mettre en danger.

Une photo troublante prise à Zurich circule depuis quelques semaines sur WhatsApp et sur les réseaux sociaux. Elle montre une personne assise dans un tramway des VBZ (Verkehrsbetriebe der Stadt Zürich) avec une cagoule blanche pointue rappelant celles du Ku Klux Klan, une organisation américaine d’extrême droite. «Bluewin» ne souhaite pas relayer l’image dans cet article.

Bien que les VBZ soient au courant de l’affaire, l’homme ou la femme cagoulé(e) n’a fait l’objet d’aucun contrôle, explique leur porte-parole Elina Fleischmann, interrogée à ce sujet. «Dans le cas contraire, le personnel des VBZ n’aurait pas accepté qu’il poursuive le trajet, étant donné que cette tenue est clairement raciste.» Soit la personne aurait dû enlever sa cagoule et mettre un masque à la place, soit elle aurait été invitée à descendre du tramway.

Ne pas insulter, mais parler sans détour

Une question demeure: comment les citoyens ordinaires peuvent-ils réagir devant des personnes qui tiennent des propos racistes ou commettent des actes racistes dans l’espace public? Si cela nous perturbe, il convient de s’adresser à la personne en question, estime Giorgio Andreoli.

Giorgio Andreoli dirige Ensemble contre la violence et le racisme (gggfon), un centre de conseil géré par plus de 40 communes bernoises et le canton de Berne qui propose notamment des cours consacrés au courage civique. Cependant, explique-t-il, il est important de ne pas se mettre en danger – et de planifier soigneusement son intervention.

La personne qui intervient doit déterminer à l’avance ce qu’elle souhaite obtenir en manifestant son objection, conseille Andreoli. «Il est assez difficile de faire changer d’un coup le comportement de l’individu.» Mais le simple message «Je ne suis pas d’accord» est un signal important, explique-t-il. «Souvent, les personnes qui tiennent des propos racistes pensent qu’elles parlent au nom de toute la population.» On peut donc montrer que ce n’est pas le cas, ajoute-t-il.

Face à cette situation dans un tram, par exemple, on pourrait commencer par chercher des alliés, explique Giorgio Andreoli. «On peut se concerter brièvement: "Trouvez-vous aussi que c’est inapproprié?"» On pourrait ensuite demander à l’individu à la cagoule d’expliquer son acte. Il est important de veiller à ne pas insulter ni élever la voix, de garder ses distances et de parler à la première personne: «Je trouve que ce n’est pas approprié.» Si une conversation s’engage, on peut également formuler des raisons.

Si l’interlocuteur réagit de manière agressive, il suffit de se retirer et de signaler éventuellement les faits. Dans un tramway, par exemple, il est possible de s’adresser au conducteur ou d’informer a posteriori un point de contact comme le centre gggfon. «Il ne faut en aucun cas faire la police soi-même en lui demandant par exemple ses coordonnées», conseille Giorgio Andreoli.

La police opte pour un contrôle

La police municipale de Zurich n’a reçu aucun signalement ni aucune plainte concernant l’incident. Est-ce au juste une infraction pénale de se déplacer dans un espace public dans une telle tenue? Si la police était appelée, la situation serait évaluée sur place, rapporte la porte-parole de la police zurichoise Judith Hödl, interrogée à ce sujet.

Le contexte, les motivations et le caractère répréhensible du comportement de l’individu seraient notamment étudiés. Ce dernier ferait également l’objet d’un contrôle. «Suivant le cas, un rapport correspondant pourrait ensuite être adressé aux autorités compétentes, qui décideraient alors s’il s’agit d’un comportement répréhensible.»

Le contexte de l’acte de mauvais goût survenu dans le tramway est inconnu. Quelques hypothèses fondées peuvent tout de même être formulées: dans la mesure où une seule et même photo de la scène circule souvent sur les réseaux sociaux, la personne pourrait n’avoir enfilé que brièvement sa cagoule du KKK.

S’il l’avait gardée plus longtemps, davantage de passants auraient certainement dégainé leur téléphone portable et pris des photos. Et comme il n’y avait personne d’autre dans la rame de tramway, la personne ne semblait pas rechercher une confrontation. L’individu est peut-être passé à l’acte uniquement pour la photo.

Pas de commentaires du SRC au sujet du KKK

Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) ne souhaite pas se prononcer sur la question de savoir si une ramification du Ku Klux Klan est effectivement à l’œuvre en Suisse. Interrogé à ce sujet, le service n’entend pas formuler de commentaires «sur des groupes ou organisations individuels ou sur leur activité opérationnelle».

Néanmoins, le service de renseignement a récemment constaté «une augmentation significative du nombre d’événements liés à l’extrémisme de droite», comme l’indique le dernier rapport annuel en date portant sur l’année 2018. «Les milieux d’extrême droite sont en mutation».

Le Ku Klux Klan a été fondé en 1865 dans le Tennessee, dans le sud des Etats-Unis. Les partisans de l’organisation secrète, qui se sont battus contre l’abolition de l’esclavage et pour l’oppression des Noirs, se sont fait connaître en lynchant des Noirs.

Un précédent au carnaval de Schwyz

En Suisse, l’organisation raciste avait dernièrement fait parler d’elle à l’occasion du carnaval de Schwyz de l’an dernier, lors duquel douze hommes se sont déguisés en membres du Ku Klux Klan.

Le parquet d’Innerschwyz a dû se pencher l’affaire et a conclu que les individus n’étaient pas coupables de discrimination raciale. En effet, ils n’avaient pas essayé de rallier d’autres personnes à la cause raciste du KKK.

Néanmoins, les limites de la liberté des fous avaient été dépassées, a indiqué le parquet. Les hommes ont été condamnés à des amendes pour «atteinte aux mœurs» et ont dû s’acquitter des frais de procédure. Le spécialiste des sectes Georg Otto Schmid avait alors critiqué la sanction au micro de Radio Top, la jugeant trop clémente.

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