Infractions sexuelles Les sénateurs font un pas vers le National sur le viol

gd, ats

7.3.2023 - 09:49

Les sénateurs proposent une nouvelle redéfinition du viol qui inclut l'état de sidération (archives).
Les sénateurs proposent une nouvelle redéfinition du viol qui inclut l'état de sidération (archives).
ATS

La redéfinition du viol divise toujours le Parlement. Contrairement au National, le Conseil des Etats ne veut pas se fonder sur la notion de consentement. Il propose une nouvelle formulation. Basée sur le refus, elle prend en compte l'état de sidération.

La définition actuelle du viol est dépassée. Une révision est incontestée. Les Chambres n'arrivent toutefois pas à s'accorder sur son ampleur. Les sénateurs ont d'abord plaidé pour se baser sur un refus, soit la solution «non, c'est non». Les députés ont eux privilégié l'option du consentement, «seul un oui est un oui».

Mardi, les sénateurs ont tacitement adopté une troisième formulation. Basée sur le refus, elle mentionne explicitement l'état de sidération. «Cette solution couvre la situation où le refus ne peut être exprimé. Elle permettrait de sortir de l'impasse juridique et politique», a plaidé Carlo Sommaruga (PS/GE) pour la commission.

Reconnaître les victimes

Les débats ont été plus agités sur les peines. Le projet introduit une gradation des infractions: sans contrainte, avec contrainte et avec cruauté ou en utilisant des armes dangereuses. Les peines augmentent avec la gravité de l'infraction.

Deux visions se sont opposées sur les peines minimales pour le viol sans contrainte et le viol avec contrainte. La commission proposait qu'une simple amende soit possible pour le premier et que le second soit puni d'un an de prison au minimum. Des minorités plaidaient pour des sanctions plus dures: une peine de prison pour le viol simple et deux ans pour le viol avec contrainte au minimum.

«Le délit de viol simple n'intègre plus la contrainte, comme c’est le cas aujourd’hui», a rappelé Carlo Sommaruga (PS/GE). Les situations peuvent être très différentes. «Le viol simple n'est par exemple plus seulement la pénétration vaginale par un sexe masculin. Cela peut aussi être une pénétration digitale.»

«Les éléments constitutifs des viols ont été élargis. Il est normal d'élargir le spectre des peines», a abondé Lisa Mazzone (Vert-e-s/GE). Plus le spectre des peines est large, plus l'infraction prononcée sera juste et plus les réalités des victimes seront couvertes. La reconnaissance du viol est extrêmement importante. «C'est dire à la victime: nous t'avons reconnu dans la situation que tu as vécue.»

Le risque avec des peines plus lourdes est que le juge ne reconnaisse pas le viol ou le viol avec contrainte pour infliger une sanction plus juste, ont pointé plusieurs orateurs. Une femme pourrait aussi réfléchir à déposer plainte contre son compagnon, si elle sait qu'il ira obligatoirement en prison, a estimé Lisa Mazzone. Surtout si une procédure de divorce s'en suit avec fixation d'une pension alimentaire, a complété la ministre de la justice Elisabeth Baume-Schneider.

Amendes biffées

«Une peine pécuniaire ne correspond pas au délit de viol», a opposé Daniel Jositsch (PS/ZH). «Une amende équivaudrait à une protection de l'auteur», a aussi critiqué Werner Salzmann (UDC/BE). Et le Bernois de s'insurger qu'un violeur puisse être puni aussi peu sévèrement qu'une personne ayant enfreint l'appellation «Swissness».

«Comment expliquer à une victime que son violeur ne sera puni que d'une amende à la fin d'une procédure de trois ou quatre ans?» s'est interrogé Beat Rieder (Centre/VS). Un chauffard serait plus gravement puni. Par 26 voix contre 13, le Conseil des Etats l'a suivi. Un violeur ne pourra s'en sortir avec une simple amende.

Le camp bourgeois n'a en revanche pas eu gain de cause sur le viol avec contrainte. Dans cette situation, «l'auteur a utilisé une certaine énergie criminelle pour rendre sa victime hors d'état de résister», a relevé Beat Rieder. Une peine d'un an est insuffisante. Les sénateurs ont rejeté sa proposition par 20 voix contre 19.

Programmes de prévention

Toutes les autres décisions ont été prises tacitement. Les sénateurs veulent pouvoir contraindre les auteurs des délits contre l'intégrité sexuelle à suivre des programmes de prévention. Seuls les délits commis sur des mineurs de moins de 12 ans doivent en outre être imprescriptibles. Le National avait opté pour une limite à 16 ans. Pas question non plus de pénaliser les pédopiégeages en ligne, comme le souhaitent les députés.

Les sénateurs rejettent encore la proposition du National sur le cyberharcèlement, la jugeant trop générale. Ils ne veulent punir que la pornodivulgation. Le «revenge porn» consiste en la transmission indue d'un contenu non public à caractère sexuel. Concrètement, il s'agit de photos ou de vidéos enregistrées consensuellement dans le cadre d'une relation de couple, qui sont ensuite publiées sans le consentement de l'une ou de l'autre personne identifiable.

Avec cette révision, le Conseil fédéral veut adapter le droit pénal en matière sexuelle aux évolutions de ces dernières années. Les délits de violence et les délits sexuels, dont les femmes et les enfants sont la plupart du temps victimes, devraient à l'avenir être plus sévèrement punis. Le projet repasse à la Chambre du peuple.

gd, ats