«Faites votre putain de travail» Les Sud-Coréens frustrés par l'échec du vote de destitution

AFP

7.12.2024

Cris de rage et de frustration, larmes: parmi les dizaines de milliers de manifestants rassemblés devant le Parlement sud-coréen, beaucoup sont submergés par l'émotion samedi, au moment où la motion de destitution déposée contre le président Yoon Suk Yeol semble sur le point d'échouer.

Des manifestants organisent un rassemblement pour demander la destitution du président sud-coréen Yoon Suk Yeol, suite à l'éphémère déclaration de loi martiale du président, devant l'Assemblée nationale à Séoul, en Corée du Sud, le samedi 7 décembre 2024. (AP Photo/Ahn Young-joon)
Des manifestants organisent un rassemblement pour demander la destitution du président sud-coréen Yoon Suk Yeol, suite à l'éphémère déclaration de loi martiale du président, devant l'Assemblée nationale à Séoul, en Corée du Sud, le samedi 7 décembre 2024. (AP Photo/Ahn Young-joon)
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Près de 150.000 personnes, selon la police (un million selon les organisateurs), occupent les rues autour de l'Assemblée nationale samedi, exigeant que les 300 députés du pays destituent M. Yoon pour sa tentative ratée d'imposer la loi martiale quatre jours plus tôt, qui a plongé la Corée du Sud dans le chaos politique.

Pendant des heures, les gens ont afflué dans la zone entourant l'enceinte du Parlement où, dans la nuit de mardi à mercredi, des soldats ont été héliportés dans le cadre de la tentative de M. Yoon de renverser le pouvoir civil, contrecarrée par des députés déterminés qui ont voté contre cette initiative.

Des écrans géants diffusant des informations en direct sont installés près de l'Assemblée nationale, sur la route à huit voies qui a été fermée pour servir de lieu de rassemblement.

De nombreux manifestants brandissent des banderoles sur lesquelles on peut lire «Destituez Yoon» et «Insurrection criminelle» et chantent des paroles telles que «La Corée du Sud est une république démocratique».

L'atmosphère évoque celle d'un festival. Certains sont accompagnés d'enfants en bas âge. D'autres sont venus en grands groupes, au son d'une musique enjouée ponctuée de chants anti-Yoon.

Mais lorsque les députés ouvrent officiellement la session destinée à déterminer le sort du président, la foule reste silencieuse, fixée sur les moindres gestes des députés.

Un souffle de déception parcourt la foule lorsqu'est rejeté de justesse un projet de loi sur l'enquête spéciale relative aux soupçons qui pèsent sur la première dame Kim Keon Hee.

Sur les 300 députés, 198 ont voté en faveur de l'enquête, soit deux de moins que les 200 nécessaires.

Les signes de frustration deviennent plus visibles lorsque les députés du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation présidentielle, commencent à quitter la chambre principale pour boycotter le vote de destitution, qui nécessite également 200 voix pour démettre M. Yoon de ses fonctions.

«Faites votre putain de travail»

«Je me sens terriblement mal d'en être arrivé là aujourd'hui», s'exclame An Jun-cheol, 24 ans, lors du rassemblement.

«Ce que les députés du parti au pouvoir ont fait aujourd'hui - se soustraire au vote - n'est rien d'autre qu'une tentative de consolider leur pouvoir et leur statut, sans aucune considération pour le peuple.»

Mais M. An reste déterminé, affirmant qu'il continuera à participer aux rassemblements jusqu'à ce que M. Yoon soit mis en accusation.

«Je suis sûr que d'autres personnes viendront ici pour le prochain vote», lance-t-il. Jo Ah-gyeong, 30 ans, originaire de Séoul, partage sa détermination.

«Je ne suis ni découragée ni déçue», confie-t-elle à l'AFP, malgré l'échec apparent de la procédure de destitution de M. Yoon. «Parce que nous finirons par l'obtenir. Je continuerai à venir ici jusqu'à ce que nous y parvenions.»

Et elle a un message pour les députés du parti au pouvoir: «S'il vous plaît, faites votre putain de travail».

Quatre jours après la tentative avortée de loi martiale, un signe de l'événement subsiste à l'Assemblée nationale.

Un papier blanc scotché à l'une des portes de l'édifice indique : «Ceci est la porte que le président de l'Assemblée a escaladée pour voter contre la loi martiale.»

© Agence France-Presse