«Je voulais vraiment que ça marche»Les Ukrainiens frustrés par la trêve de Pâques
Megane Bochatay
21.4.2025
«Au moins, ça a été un peu plus calme»: la trêve de Pâques décrétée par la Russie a renforcé la lassitude des Ukrainiens, même si certains ont apprécié une relative accalmie après plus de trois années d'invasion russe.
Sur la place de l'Indépendance à Kiev, quelques Ukrainiens viennent déposer des fleurs en ce lundi de Pâques sur un mémorial improvisé aux soldats tués dans les combats (archives).
KEYSTONE
Agence France-Presse
21.04.2025, 22:16
Megane Bochatay
«Je voulais vraiment que ça marche», témoigne à Kiev Svitlana, une comptable de 65 ans qui n'a pas donné son nom. «Ca n'a pas été le cas, mais au moins ç'a été un peu plus calme. Les gens ont pu faire bénir les gâteaux de Pâques et aller à l'église».
«Je pense que Poutine fait les yeux doux aux Etats-Unis: +Regardez, je suis un mec tellement sympa+», estime-t-elle alors que le président américain Donald Trump espère depuis des semaines pouvoir mettre un terme à l'invasion russe à grande échelle de l'Ukraine, déclenchée en février 2022.
Ce conflit a entraîné la mort de plusieurs dizaines de milliers de soldats et civils, déplacé dans le pays et fait fuir à l'étranger des millions d'Ukrainiens, tandis que l'armée russe contrôle toujours près de 20% du territoire ukrainien.
Le président russe Vladimir Poutine a ordonné samedi à ses troupes de «cesser toutes les hostilités» pour une période de 30 heures allant jusqu'à minuit entre dimanche et lundi.
Même si les deux camps ont fait état d'une diminution des combats, ils se sont mutuellement accusés de centaines d'entorses à la trêve pascale.
Des alertes aux raids aériens ont retenti à Kiev peu après l'annonce de Vladimir Poutine et à nouveau dès les premières heures de lundi, lorsque la Russie a repris ses attaques de drones.
Épuisement général
Sur la place de l'Indépendance à Kiev, quelques Ukrainiens viennent déposer des fleurs en ce lundi de Pâques sur un mémorial improvisé aux soldats tués dans les combats.
Debout face à une marée de drapeaux bleus et jaunes, l'instructeur militaire Viktor Danyltchouk est venu rendre hommage à ses compagnons tombés au combat.
La trêve a été «positive» à ses yeux. «Car tout le monde est vraiment épuisé. Tout le monde veut rentrer à la maison, auprès de sa famille», dit-il.
«Nous avons vraiment été un peu surpris par cette situation, étant donné que les Russes promettent toujours quelque chose pour finalement faire l'inverse», poursuit le militaire. «Mes camarades sur le front ont observé moins de tirs hier (dimanche), mais ça a quand même continué».
Valentyna, une autre Ukrainienne, a elle accueilli la trêve pascale avec un mélange d'optimisme et de doutes. «Même si nous n'y croyions pas totalement, mes amis et moi étions très contents de cette trêve, parce qu'on voulait voir quelques signes d'humanité», raconte cette femme de 49 ans.
Vitaly, un sergent de 39 ans de l'armée ukrainienne qui n'a pas non plus donné son nom, n'a nourri de son côté «aucun espoir» après l'annonce russe. «Rien n'a changé. Ce ne sont que des mots».
Un «acte banal de propagande»
Sur le front, les combats ont diminué à certains endroits, mais ont repris depuis, a signalé le groupe de réflexion américain spécialisé Institute for the Study of War (ISW).
Le médecin ukrainien Dmytro Podobriy a affirmé à l'AFP que si les bombardements avaient reculé sur les villes, ce n'était pas le cas du «volume» des attaques en première ligne. «La Russie n'a jamais respecté ses demandes», accuse-t-il.
«Le front brûle encore, mais l'histoire sera toute autre en Russie et à l'étranger», a écrit sur Facebook l'analyste militaire Oleksiy Kopytko.
Pour l'expert politique Volodymyr Fesenko, la trêve de Pâques n'était qu'un «acte banal de propagande». «Le principal objectif de ce geste de +maintien de la paix+ est de piéger l'Ukraine, de montrer à Trump que Poutine veut la paix et que Zelensky s'y oppose», développe-t-il.
La plupart des Ukrainiens, fatigués par le conflit, espèrent un accord de paix durable plutôt qu'un cessez-le-feu temporaire.
Mais Valentyna, au mémorial de la place de l'Indépendance, ne veut pas entendre parler d'une paix «à tout prix» car l'Ukraine, rappelle-t-elle, a déjà payé un lourd tribut aux combats.
«Dans chaque famille, il y a des personnes qui sont mortes», s'émeut la quadragénaire, pour laquelle «il est temps de mettre un terme à cette guerre».