Biélorussie Loukachenko se dit dans la légalité et s'en prend à l'Occident

vey

26.5.2021 - 22:56

Alexandre Loukachenko a proclamé mercredi que le déroutage d'un avion de ligne puis l'arrestation d'un opposant à bord étaient légaux. Le président bélarusse a justifié le déroutage en disant qu'il avait été informé par la Suisse qu'une bombe se trouvait à bord du vol. Berne a démenti.

Le président bélarusse Loukachenko 
Le président bélarusse Loukachenko 
KEYSTONE/Sergei Shelega/BelTA Pool Photo via AP

Keystone-SDA, vey

«J'ai agi légalement en protégeant mes gens», a lancé le dirigeant bélarusse, s'exprimant devant un parterre de dignitaires du régime qu'il contrôle depuis 1994. «C'est un mensonge absolu (de dire) que l'avion a été forcé d'atterrir par un MiG-29», a-t-il martelé, «la mission de l'avion de chasse était d'établir la communication, d'accompagner l'atterrissage de l'avion de passagers en cas de situation d'urgence».

«Nous n'avons pas pris la décision. Selon les règles, les instructions, la décision est prise par le commandant de bord», a-t-il ajouté, avant d'affirmer qu'excepté Minsk, «personne n'a voulu accueillir l'avion», évoquant des refus des aéroports ukrainiens de Lviv et Kiev, ainsi que de Vilnius et Varsovie.

Information de la Suisse

M. Loukachenko a justifié l'interception du vol, en disant sans autres précisions que le Bélarus avait reçu l'information de la part de la Suisse qu'une bombe se trouvait à bord du vol de Ryanair selon l'agence dpa.

«Les autorités suisses n'ont aucune connaissance d'une alerte à la bombe» sur ce vol, a indiqué le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) à l'agence d'information Keystone-ATS.

Le porte-parole du Conseil fédéral André Simonazzi a de son côté affirmé devant la presse que le gouvernement «condamne fermement cette action» et demande une enquête internationale approfondie sur cet incident.

Hasard

Il s'agissait de la première prise de parole du président bélarusse depuis l'interception dimanche. Deux passagers du vol, le journaliste d'opposition Roman Protassevitch et sa compagne russe Sofia Sapega, ont été arrêtés à Minsk avant que l'avion ne reparte, suscitant une avalanche de condamnations occidentales et des sanctions de l'UE.

Pour les autorités bélarusses, la présence à bord de ce détracteur du régime et donc son arrestation relèvent du hasard. Selon l'Union européenne, les Etats-Unis et l'opposition bélarusse, l'alerte à la bombe était un subterfuge pour arrêter l'opposant.

Les membres européens du Conseil de sécurité de l'ONU et les Etats-Unis ont appelé mercredi soir «l'Organisation de l'aviation civile internationale à enquêter d'urgence» sur le détournement de l'avion, à l'issue d'une session de la plus haute instance onusienne.

Cet évènement est «sans précédent et inacceptable» et ses responsables doivent «en rendre compte pleinement», ajoute leur déclaration, qui le «condamne fermement» et réclame aussi la «libération immédiate» de l'opposant et son amie.

Confessions

Les autorités bélarusses accusent l'opposant arrêté d'avoir organisé des «troubles massifs» dans cette ex-république soviétique secouée en 2020 par des manifestations contre la réélection de M. Loukachenko.

Vivant en exil, Roman Protassevitch, 26 ans, est l'ancien rédacteur en chef d'une chaîne d'opposition, Nexta, qui avait joué un rôle clé dans la coordination du mouvement de contestation, réprimé sans pitié par Minsk. Le dissident et sa compagne sont apparus dans des vidéos tournés en prison où ils confessent leurs crimes. Les autorités bélarusses ont l'habitude de diffuser des aveux obtenus sous la contrainte.

Face au tollé international suscité par ces arrestations, M. Loukachenko s'en est pris à ses «adversaires de l'étranger et à l'intérieur du pays», dénonçant leurs méthodes «dépassant les limites de l'entendement et de la morale humaine».

«Caution» russe

En début de semaine, Minsk s'était déjà défendu, affirmant avoir dérouté légalement le vol après une alerte à la bombe reçue dans un courriel se réclamant de l'organisation islamiste palestinienne Hamas. La chancelière allemande Angela Merkel a jugé ces explications «pas crédibles».

La transcription de l'échange entre les contrôleurs et le pilote, publiée mardi par Minsk, montre que les autorités ont insisté pour que l'appareil se pose au Bélarus et non pas dans des pays voisins.

Après le discours de M. Loukachenko, le Kremlin a dit jeudi ne pas avoir «de raisons de ne pas croire les déclarations des dirigeants bélarusses».