FranceDémissionnaire, le «moine-soldat» de Macron est reconduit à Matignon
Basile Mermoud
10.10.2025
Sa réputation d'habile négociateur a été sévèrement mise à l'épreuve ces quatre dernières semaines. Le discret Sébastien Lecornu, «moine soldat» du président Emmanuel Macron, est reconduit à Matignon après en avoir pourtant démissionné et mené des consultations de la dernière chance.
Emmanuel Macron avait promis vendredi de nommer un Premier ministre «dans les prochaines heures» (archives).
KEYSTONE
Agence France-Presse
10.10.2025, 22:04
10.10.2025, 22:28
Basile Mermoud
En remettant sa lettre de démission lundi dernier, il était devenu le chef de gouvernement le plus éphémère de la Ve République. Mais dans la même journée, le président Emmanuel Macron lui avait demandé de mener «d'ultimes» négociations qui n'ont pas trouvé d'issue à la crise.
A la tête du ministère des Armées depuis 2022, il a fait de la réserve et de la prudence sa marque de fabrique. Econome de sa parole publique, il se dit lui-même un peu «moine soldat». Et les Français ne l'ont découvert réellement que ces derniers jours, notamment à l'occasion de son passage mercredi au journal de 20H.
Cet homme du sérail de 39 ans, engagé très tôt en politique à droite, ne semblait pas désireux de rempiler - «je ne cours pas après le job», «ma mission est terminée» -, et il risque désormais de nouveau la censure. Son choix a de plus suscité des oppositions au sein même du bloc central.
De tous les gouvernements depuis 2017, c'est en grande partie en coulisses que ce fidèle d'Emmanuel Macron a étendu son influence dans la macronie et tenté à Matignon de négocier avec les socialistes. En vain.
J’accepte - par devoir - la mission qui m’est confiée par le Président de la République de tout faire pour donner un budget à la France pour la fin de l’année et de répondre aux problèmes de la vie quotidienne de nos compatriotes.
Nommé une première fois le 9 septembre, il n'avait que partiellement levé le voile dans trois déclarations un peu militaires sur le perron de Matignon. En un mois, il a cependant donné «le sentiment d'une sincérité et même d'être dans une forme de mission sacrificielle», concède un responsable socialiste.
«Du théâtre»
Il lui avait ensuite fallu trois semaines pour former un gouvernement. Mais quatorze heures seulement après l'annonce de son équipe, Sébastien Lecornu avait remis sa démission le lundi 6 octobre, plongeant la France dans une crise politique inédite. La veille, Les Républicains (LR) avaient menacé de quitter la coalition gouvernementale.
«C'est du théâtre», balaie un cadre LR. Sa démission «lui a permis de réenvisager d'être Premier ministre à nouveau, alors qu'une censure quelques jours plus tard l'excluait de tout gouvernement futur».
Dans une macronie en plein délitement, il est un des derniers fidèles du président. Déjà l'année dernière, il avait manqué de peu Matignon, où François Bayrou s'était imposé.
Privé comme ses prédécesseurs de majorité à l'Assemblée nationale, Sébastien Lecornu reconnaissait être le Premier ministre «le plus faible» de la Ve République. Tout le pouvoir réside au Parlement, disait-il, où ce gaulliste a bien voulu renoncer au 49.3, prérogative du gouvernement, pour redonner la main aux députés.
«Manoeuvrier»
Proche de Gérald Darmanin et d'Edouard Philippe, issus comme lui de la droite, Sébastien Lecornu s'était illustré par ses négociations avec les parlementaires pour faire adopter la loi de programmation militaire 2024-2030.
Mais «ce n’est pas difficile» de faire passer un budget en hausse, modère un responsable du bloc central, qui le voit davantage «manœuvrier» et pointe la montée du Rassemblement national dans son département de l'Eure.
Sébastien Lecornu avait été épinglé dans la presse pour un dîner avec Marine Le Pen, ce qui en faisait «l'homme de la négociation avec le RN dans la psyché socialiste», selon une ministre.
Originaire de Normandie, petit-fils de résistant, il a un temps pensé faire Saint-Cyr mais s'est lancé très jeune en politique, battant plusieurs records de précocité.
Assistant parlementaire à 19 ans, il devient en 2008 le plus jeune conseiller ministériel auprès de Bruno Le Maire aux Affaires européennes, son mentor en politique, puis en 2015, le plus jeune président d'un département, l'Eure, après avoir été maire de sa ville, Vernon.
Propulsé au gouvernement à 31 ans, il est passé par les portefeuilles de l'Ecologie, des Collectivités, de l'Outre-mer, puis enfin des Armées.
Réserviste de la gendarmerie dans l'Eure, cet amateur d'histoire élu sénateur en 2020 voulait rester aux Armées, citant régulièrement son lointain prédécesseur Pierre Messmer, inamovible titulaire du portefeuille sous le général de Gaulle. Avant lui aussi de servir à Matignon.