Soudan Manif antigouvernementale au Soudan

ATS

6.4.2019 - 19:13

Les manifestants réclament le départ du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans (archives).
Les manifestants réclament le départ du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans (archives).
Source: KEYSTONE/AP/SHIRAAZ MOHAMED

Des milliers de Soudanais ont défilé samedi pour réclamer la démission du président Omar el-Béchir. Certains manifestants sont parvenus à atteindre le quartier général de l'armée à Khartoum, une première en quatre mois de contestation antigouvernementale.

Les forces antiémeutes ont tiré des gaz lacrymogènes pour les disperser, tandis que des contestataires leur ont jeté des pierres, selon des témoins. Répondant à un appel de l'Alliance pour la liberté et le changement, fer de lance du mouvement de contestation, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue de la capitale en chantant «une armée, un peuple», d'après des témoins.

Lors de précédents rassemblements, les protestataires ont tenté à plusieurs reprises de marcher vers des lieux symboliques du pouvoir, comme le palais présidentiel. Ils en ont souvent été empêchés par les gaz lacrymogènes tirés par les forces de sécurité.

Pour la première fois samedi, les manifestants ont atteint l'entrée des bâtiments qui abritent le siège de l'armée et le ministère de la Défense, ont affirmé des témoins, sans préciser s'ils y étaient entrés. Au son du principal slogan de la contestation – «Paix, justice et liberté» -, les manifestants ont réclamé le départ du président Béchir, au pouvoir depuis un coup d'Etat en 1989.

«Un moment historique»

Les organisateurs du mouvement, une alliance de partis d'opposition qui ont rejoint l'Association des professionnels soudanais, ont affirmé cette semaine que les rassemblements de samedi étaient destinés à demander à l'armée de «choisir entre son peuple et le dictateur». Peu après avoir atteint l'entrée des bâtiments, situés à proximité de la résidence de M. Béchir, les organisateurs ont appelé les manifestants à tenir position.

«En ce moment historique, nous vous demandons de ne pas quitter le quartier général de l'armée et de tenir un sit-in dans les rues», ont-ils fait savoir dans un communiqué. «Nous apprécions la retenue de l'armée envers les manifestants et nous espérons qu'elle prendra position pour le peuple», est-il précisé dans ce communiqué.

Déclenchées le 19 décembre 2018 par la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, les manifestations se sont rapidement transformées à travers le pays en mouvement de contestation contre M. Béchir. Celui-ci a refusé de démissionner et fait désormais face à son plus grand défi depuis son arrivée au pouvoir, selon des experts. Après avoir tenté de réprimer la contestation par la force, il a instauré l'état d'urgence dans tout le pays le 22 février.

Depuis, les manifestations sont restées principalement cantonnées dans la capitale et la ville voisine, Omdourman, mais samedi, les organisateurs du mouvement de contestation ont appelé à des rassemblements dans l'ensemble du pays. La date choisie est symbolique puisqu'elle marque l'anniversaire de la révolte du 6 avril 1985, qui avait permis de renverser le régime du président de l'époque, Jaafar al-Nimeiri.

Lourd dispositif de sécurité

Peu avant le début des manifestations, les forces de sécurité se sont déployées en force sur les places de Khartoum et d'Omdourman. «Un important dispositif de sécurité a été mis en place autour du lieu prévu pour le rassemblement, mais les manifestants sont sortis dans différentes rues en scandant des slogans antigouvernementaux», a affirmé à l'AFP un témoin sous couvert de l'anonymat.

Des témoins ont affirmé avoir vu des agents en civil se fondre dans la foule pour empêcher les passants d'atteindre le centre-ville. Les magasins et marchés de Khartoum ont reçu l'ordre de fermer avant les manifestations, ont précisé d'autres témoins. «Ceux qui marchaient en groupe ont été immédiatement arrêtés ou ont été priés de rentrer chez eux par les forces de sécurité», ont-ils dit.

Depuis l'instauration de l'état d'urgence le 22 février, plusieurs manifestants ont été arrêtés pour avoir participé à des rassemblements non autorisés et jugés par des tribunaux d'exception tandis que l'ampleur et l'intensité des manifestations ont fortement baissé. Depuis décembre, le puissant service de renseignement a arrêté des centaines de manifestants, leaders de l'opposition, militants et journalistes, selon des ONG.

Selon un bilan officiel, 31 personnes sont mortes depuis le début des manifestations. L'ONG Human Rights Watch (HRW) évoque le chiffre de 51 morts.

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