Des chaînes humaines et des marches pacifiques se multipliaient jeudi au Bélarus pour protester contre la violente répression du mouvement de contestation ayant suivi la réélection controversée du président Alexandre Loukachenko.
Dans la soirée, les autorités ont annoncé avoir libéré plus de 1.000 manifestants, tandis que, dans les rues de la capitale Minsk, la présence policière était bien moins forte qu'au cours des quatre soirées de protestation précédentes, selon des journalistes de l'AFP.
La présidente du Sénat, Natalia Kotchanova, a affirmé à la télévision publique que ces contestataires avaient été relâchés avec l'obligation de ne pas participer à des rassemblements non autorisés.
De son côté, le ministre de l'Intérieur, Iouri Karaev, a présenté jeudi, également à la télévision publique, ses excuses pour les violences commises contre «des passants» et des «gens au hasard» qui n'étaient pas impliqués dans les actions de protestation.
Nombreuses violences policières
Depuis dimanche, plus de 6.700 personnes avaient été interpellées officiellement. De nombreux cas de violences policières ont par ailleurs été signalés.
Pour protester contre cette répression, des milliers de personnes formaient encore au début de la nuit des chaînes humaines en plusieurs endroits de Minsk, soutenues par les klaxons d'automobilistes. Des rassemblements similaires étaient signalés dans d'autres villes.
Cette forme de mobilisation, inaugurée la veille par des dizaines de femmes vêtues de blanc, n'a pas jusqu'ici pas déclenché de mesures répressives comparables à celles visant les manifestations nocturnes.
«On est contre la violence, les explosions, on est pour des élections honnêtes», explique à l'AFP Nastia, 26 ans, une artiste dans le secteur numérique, participant à un rassemblement dans le centre de la capitale.
Dans un communiqué, l'ONG Amnesty International a rapporté jeudi des cas de manifestants «mis à nus, battus et menacés de viol» lors de leur détention dans les prisons du régime.
Usines mobilisées
Plus de 1.000 chercheurs bélarusses ont signé une lettre «contre la violence», tandis que des soignants se sont regroupés devant leurs établissements. Des artistes de la Philharmonie de Minsk ont aussi entonné des chants patriotiques devant le bâtiment l'abritant.
Selon des médias de l'opposition, des actions similaires ont eu lieu dans d'importantes usines, comme BelAZ (camions), Maz (voiture), Grodno Azot (chimie) et Grodnozhilstroy (BTP).
Ces mouvements de protestation interviennent après quatre nuits de répression des manifestations contre la réélection dimanche, jugée frauduleuse par les contestataires, de l'homme à poigne du Bélarus, au pouvoir depuis 26 ans, et officiellement crédité de 80% des voix.
Pour les manifestants, c'est Svetlana Tikhanovskaïa, une novice en politique, qui a gagné, après une campagne ayant suscité une ferveur inédite dans cette ex-république soviétique. L'opposante avait remplacé son mari, un vidéo-blogeur emprisonné.
Les rassemblements pacifiques se sont étendus alors que la police jugeait que la contestation faiblissait, tout en dénonçant un niveau élevé d'«agressivité».
Une centaine de policiers ont été blessés, dont 28 hospitalisés. Aucun bilan détaillé n'a été fourni concernant les manifestants, contre lesquels des balles en caoutchouc, matraques et grenades assourdissantes sont utilisées sans retenue.
Deux manifestants tués
Mercredi, les autorités bélarusses ont confirmé la mort d'un homme en détention, un décès qui s'ajoute à celui d'un manifestant à Minsk. Elles ont également reconnu l'usage mardi à Brest de balles réelles, qui ont fait un blessé.
Dans une déclaration commune, les présidents de la Lituanie, de la Lettonie, de la Pologne et de l'Estonie, toutes voisines du Bélarus, ont appelé jeudi à la «désescalade» et demandé l'instauration d'un dialogue avec le peuple bélarusse.
Les Etats-Unis et l'UE ont dénoncé les fraudes électorales et la répression, les Européens menaçant Minsk de sanctions.
L'ambassadeur du Bélarus à Berlin a par ailleurs été convoqué.
Une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères de l'UE doit avoir lieu vendredi concernant la situation dans ce pays.
Des célébrités ont multiplié les critiques à l'égard des autorités, tandis que plusieurs journalistes de médias d'Etat ont annoncé leur démission ces derniers jours.
Des militaires et des policiers bélarusses à la retraite ou en activité ont en outre anonymement dénoncé la répression, diffusant des vidéos dans lesquelles on les voit jeter galons et insignes.
L'opposante Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, ne s'est pas exprimée depuis mardi, après son départ précipité pour la Lituanie. Selon ses partisans, elle a subi des menaces des forces de sécurité.
Alexandre Loukachenko, 65 ans, n'a jamais laissé aucune opposition s'ancrer. La précédente vague de contestation, en 2010, avait été sévèrement réprimée.
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