Présidentielle françaiseMarine Le Pen en campagne défensive face à Zemmour
ATS
21.11.2021 - 11:24
Concurrencée de manière inhabituelle à l'extrême droite avant l'élection présidentielle en France, Marine Le Pen, assurée il y a peu de figurer au second tour, se retrouve sur la défensive face au polémiste Eric Zemmour, qui menace de la remplacer. Elle n'arrive plus à dicter son tempo.
Keystone-SDA
21.11.2021, 11:24
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La percée dans les sondages d'Eric Zemmour, qui ne s'est toujours pas officiellement déclaré, compromet la présence de la candidate du Rassemblement national (RN) au second tour comme en 2017, lorsque Emmanuel Macron avait remporté l'élection présidentielle. Elle était de longue date donnée finaliste en 2022 dans les enquêtes d'opinion.
Eric Zemmour «n'est ni un adversaire ni un partenaire. C'est un concurrent», a-t-elle résumé lundi sur la radio France Info, quelques heures avant l'inauguration de son siège de campagne à Paris.
Obligée de se positionner
En raison de cette rivalité, le Rassemblement national «n'est pas du tout acteur de sa propre campagne. Ce n'est pas lui qui dicte le tempo», relève Sylvain Crépon, maître de conférences en science politique à l'université de Tours (centre).
Sa dirigeante «voulait parler de questions économiques, sociales, rassurer l'électorat qui est encore réticent à voter pour lui», mais se retrouve obligée de se positionner sur les thèmes développés par Eric Zemmour, comme la «théorie du grand remplacement» selon laquelle la population européenne se verrait supplantée par des vagues d'immigration, ajoute-t-il.
C'est un coin planté dans la stratégie de «dédiabolisation» et de normalisation du RN, la marque de fabrique de Mme Le Pen, à rebours de son père, le fondateur du mouvement qui avait fait de l'outrance un mode de fonctionnement, progressant constamment dans les scrutins sans toutefois conquérir le pouvoir.
«Marine Le Pen pensait avoir mis son père de côté et il ressort avec une nouvelle incarnation» pratiquement adoubée par Jean-Marie Le Pen, souligne M. Crépon.
«Un polémiste»
Face à l'emballement autour du polémiste et des sondages dont plusieurs le placent devant elle, même si deux enquêtes parues la semaine dernière lui redonnent un léger ascendant, Mme Le Pen a tenté «de faire à Eric Zemmour un procès en incompétence», explique Sylvain Crépon.
«Mais c'est extrêmement compliqué, parce qu'elle est amputée de la deuxième ressource fondamentale du Rassemblement national: la radicalité, puisque c'est Zemmour qui l'accapare», poursuit-il.
Les propositions d'Eric Zemmour «sont plus immatures que celles que nous présentons, parce que nous les travaillons depuis très longtemps», a affirmé la dirigeante du RN sur France Info.
Elle a de nouveau dénoncé son goût pour la transgression systématique du «politiquement correct», cette fois en réaction à ses propos controversés samedi soir devant le Bataclan, un des lieux des attentats du 13 novembre 2015 (130 morts), attribuant une responsabilité à la politique migratoire du président de l'époque, François Hollande.
«Le problème d'Éric Zemmour, c'est que c'est un polémiste et, en réalité, il ne sait rien faire d'autre que de polémiquer. C'est ce qui différencie un polémiste et un homme d'État», a insisté Marine Le Pen.
«Jouer la crédibilité et tenir»
Eric Zemmour lui reproche pour sa part «des réflexes de femme de gauche». Il affirme qu'elle ne pourra jamais gagner une élection présidentielle.
Pour Virginie Martin, politologue à la Kedge Business School, «Marine Le Pen a tout intérêt à jouer le sérieux, le programme, la crédibilité, et à tenir» cette ligne. «Il faut à la fois qu'elle reste sur ses positions et qu'elle s'adapte à cette nouvelle offre politique», précise-t-elle.
«Elle peut revenir sur ses fondamentaux économiques et sociaux, que son électorat aime et attend: c'est 'rendre aux Français l'argent' et 'rendre aux Français leur pays'», indique Virginie Martin, en référence aux slogans des dernières affiches de campagne du RN.
D'autant plus qu'Eric Zemmour, jusqu'à présent peu disert sur son éventuel programme économique ou social, «peut complètement exploser en vol», estime-t-elle. Avant de s'interroger: «Est-ce que dans un monde ultramédiatique, la carte de la crédibilité est encore une bonne carte à jouer?».