Mexique Baisse des homicides sous la pression de Trump

ATS

19.6.2025 - 08:10

Sous la pression de Donald Trump, le Mexique se targue d'avoir réduit les homicides au cours des sept premiers mois du mandat de la présidente Claudia Sheinbaum, un progrès accueilli avec prudence par les analystes.

Des proches placardent des avis de disparition au Mexique.
Des proches placardent des avis de disparition au Mexique.
ats

Keystone-SDA

La présidente de gauche a salué une baisse de 25,8 % de la moyenne quotidienne des victimes d'assassinats entre septembre 2024 et mai. Septembre avait été le dernier mois de la gestion de son prédécesseur et mentor Andres Manuel Lopez Obrador (2018-2014).

«La stratégie fonctionne», a assuré la présidente la semaine dernière.

Son plan rompt avec la politique des «accolades, pas des fusillades» de Lopez Obrador, qui refusait la guerre frontale contre les cartels.

Claudia Sheinbaum se trouve il est vrai sous la pression de Donald Trump, qui lui demande de lutter fermement contre le trafic de drogue et l'immigration clandestine, sous peine de taxer les importations mexicaines, dont plus de 80% partent aux Etats-Unis.

Depuis son arrivée au pouvoir en octobre, l'ex-maire de Mexico a gardé de son prédécesseur la volonté de s'attaquer aux racines de la violence avec des plans sociaux contre la pauvreté.

Elle a ajouté trois axes à sa propre stratégie nationale de sécurité: le renforcement de la Garde nationale, plus de renseignements et d'enquêtes, plus de coordination entre les autorités fédérales et locales, judiciaires et policières.

Les analystes reconnaissent que la nouvelle stratégie pourrait expliquer la baisse des assassinats, mais mettent en garde contre tout triomphalisme car le Mexique continue d'enregistrer des niveaux «alarmants» de violences.

Le pays de quelque 130 millions d'habitants a enregistré 30'048 homicides volontaires en 2024, soit 1 % de plus qu'en 2023.

Pourquoi la baisse des homicides?

«Sheinbaum a réorienté les ressources sécuritaires vers la lutte contre le crime organisé» et cela pourrait «avoir des effets» sur les homicides, indique Armando Vargas, coordinateur du programme de sécurité du think tank México Evalúa.

La méthode semble par exemple marcher au Guanajuato (centre), l'Etat qui enregistre le plus d'homicides par les 32 entités du pays (plus de 3'000 en 2024, soit environ 10% du total national). Le nombre d'assassinats y a chuté de moitié depuis mars.

Un «exemple parfait» du plan gouvernemental, selon David Mora, analyste du centre d'études Crisis Group. La méthode consiste à identifier les pôles de violence, déployer des forces, capturer leurs responsables, décrit l'expert.

Les chiffres sont-ils fiables?

«L'indicateur du gouvernement fédéral se limite au nombre d'homicides volontaires» à l'exclusion des féminicides et il ne prend pas en compte «les personnes disparues», affirme M.Vargas.

En outre, des homicides aux causes «indéterminées» sont exclus du bilan, souligne-t-il.

«Il y a plusieurs Etats où ce niveau de causes indéterminées est particulièrement élevé: l'Etat de Mexico (autour de la capitale), Michoacán, Veracruz, par exemple», commente l'analyste.

Par ailleurs, la baisse de 25,8 % largement médiatisée se réfère à septembre 2024, un mois qui s'est avéré être le quatrième plus violent de l'année dernière.

Une comparaison annuelle (octobre 2024-mai 2025 avec octobre 2023-mai 2024) aurait été plus pertinente, estime ainsi David Mora. La baisse n'aurait été alors que de 7%.

Est-ce durable?

Il est difficile de l'assurer dans un pays où 90 % des crimes restent impunis, ce qui encourage le crime organisé.

La violence n'a pas marqué de répit en certains endroits. Plus de 1000 personnes ont été tuées depuis septembre au Sinaloa (nord-ouest), dans des règlements de comptes entre deux factions du cartel du même nom. Des troupes y ont été envoyées.

M.Vargas cite aussi le cas d'Etats comme le Chiapas ou le Tabasco (sud-sud-est), qui montrent des signes croissants de conflits entre mafias.

A Mexico, deux proches collaborateurs de la maire Clara Brugada ont été assassinés sur la voie publique il y a un mois. Et deux femmes maires viennent d'être assassinées dans les Etats du Oaxaca et du Michoacan en début de semaine.

Mobile possible pour l'exécution de l'élue du Oaxaca selon le parquet: des plaintes de sa part pour vol, falsification de signature et trafic de bois, qui auraient provoqué des représailles du crime organisé.

La situation s'améliore-t-elle?

Pour Armando Vargas, le nombre d'homicides au Mexique reste d'une ampleur «désastreuse». Pour trouver des comparaisons dans le monde en termes de nombre de victimes, il faut se référer aux conflits de Gaza ou d'Ukraine.

Selon les dernière statistiques officielles de la Banque Mondiale, le taux d'homicide au Mexique s'était établi à 28 pour 100'000 habitants en 2021.

Dans l'attente de chiffres consolidés plus récents et même si le gouvernement fait valoir une baisse, «les niveaux de violence homicide restent alarmants», conclut l'analyste Mora.