VenezuelaNicolas Maduro, le président-ouvrier à la main de fer
ATS
16.3.2024 - 22:53
Successeur désigné d'Hugo Chavez en 2013, le président vénézuélien Nicolas Maduro, considéré comme un syndicaliste sans envergure par ses détracteurs, a su se maintenir au pouvoir en dirigeant le pays d'une main de fer.
16.03.2024, 22:53
ATS
A 61 ans, il a été investi par le parti socialiste unifié (PSUV) pour briguer un troisième mandat à la tête de ce pays pétrolier de 30 millions d'habitants, lors de la présidentielle prévue le 28 juillet.
Grand, moustache fière, l'ancien chauffeur de métro-bus rappelle fréquemment ses origines et aime cultiver cette image d'homme du peuple. Il se plait à évoquer souvent le bon sens, à massacrer des mots anglais, à parler de baseball ou de ses soirées télé avec sa femme Cilia Flores, la «première combattante», ancienne procureure omniprésente sur la scène politique vénézuélienne.
«C'est un genre qu'il se donne. Pour l'anglais, il a été ministre des Affaires étrangères pendant des années (2006-2013). Difficile de croire qu'il ne le maitrise pas parfaitement», confie une source diplomatique.
En le désignant en 2012 comme son héritier, un an avant sa mort, Hugo Chavez avait loué «l'un des jeunes dirigeants ayant les meilleures capacités» pour diriger le pays.
Beaucoup l'ont sous-estimé. Il su s'imposer face à ses rivaux au sein du PSUV dont il est le président, manoeuvrer face aux manifestations monstres – durement réprimées – qui ont suivi son élection contestée de 2018 boycottée par l'opposition, jongler avec une crise économique sans précédent, les sanctions économiques, la pandémie et des scandales de corruption se chiffrant en milliards de dollars. Il a aussi survécu aux complots, réels et imaginaires, qu'il dénonce régulièrement.
«Super moustache»
La propagande lui a consacré un dessin animé, où il est présenté en «Super-Bigode» (Super-moustache), super-héros «indestructible!» qui, tel Superman, défend le Venezuela contre les monstres et les méchants que sont les Etats-Unis ou des «opposants-saboteurs».
Il n'a pas le charisme ou l'éloquence d'un Chavez, mais passe des heures à la télévision ou sur les réseaux avec une communication bien huilée. Alliant discours politique pur et dur, blagues parfois lourdes, et parenthèses personnelles, il sait tenir une foule en haleine.
Une image sympathique jurant avec sa manière de diriger le pays qui repose en grande partie sur l'armée et l'appareil sécuritaire. Le Venezuela est dans le viseur de la Cour pénale internationale. Les ONG dénoncent arrestations arbitraires, tortures, exécutions extrajudiciaires, procès pipés, censure et contrôle des médias.
«Chavez était un bon candidat mais à partir de 2015, le pouvoir a compris qu'il ne pouvait plus gagner et n'a plus voulu d'élections libres et démocratiques», commente Benigno Alarcon, professeur de politique à l'Université Andres Bello.
Face à la crise économique, et derrière le discours socialiste, M. Maduro a coupé dans toutes les dépenses sociales, supprimé les droits de douane à l'importation pour permettre le réapprovisionnement d'un pays qui manque de tout et autorisé la dollarisation pour juguler l'hyperflation.
Le billet vert de l'ennemi honni est désormais roi au pays du socialisme chaviste.
Des recettes ultra-libérales, note l'ancien ministre des Finances de Chavez, Rodrigo Cabezas: «C'est le capitalisme le plus inégalitaire d'Amérique Latine» avec un «abandon des politiques anti-pauvreté» et un «pays détruit socialement».
«Marxiste et chrétien»
Intransigeant dans son discours anti-yankee, Maduro sait aussi négocier en catimini.
Il est ainsi parvenu à faire lever provisoirement de novembre à avril les sanctions américaines, levée qui pourrait ne pas être prolongée en raison de l'inéligibilité confirmée de la principale opposante Maria Corina Machado.
Il a aussi su obtenir la libération de deux neveux de Cilia Flores condamnés pour trafic de drogue aux Etats-Unis, et surtout en décembre d'Alex Saab, considéré comme un des principaux intermédiaires du Venezuela, incarcéré aux Etats-Unis pour blanchiment.
S'il se dit toujours marxiste, il n'est pas athée. Il a soutenu la béatification par l'Eglise catholique de José Gregorio, le «médecin des pauvres» en 2021. Mais il a surtout opéré un virage vers les églises évangéliques chrétiennes. Certains y voient une manoeuvre en direction d'une manne d'électorale. D'autres une vraie foi.
«Je suis un enfant de notre Seigneur Jésus-Christ et je sais pourquoi il me protège. Ils (les ennemis) n'ont pas pu m'atteindre parce que le Christ est avec nous», dit-il.
M. Maduro se résume d'ailleurs ainsi: «Bolivarien (de Simon Bolivar, né au Venezuela et figure emblématique de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud), marxiste et chrétien».