«Un jour de honte» «Non» au référendum sur les droits des Aborigènes en Australie

ATS

14.10.2023 - 13:14

Les Australiens ont clairement rejeté samedi une réforme des droits des Aborigènes, soumise par référendum. La campagne acrimonieuse a creusé les divisions raciales dans le pays-continent.

55% des électeurs ont voté «non» au texte qui proposait de reconnaître dans la Constitution les Aborigènes comme les premiers habitants de l'île-continent (archives).
55% des électeurs ont voté «non» au texte qui proposait de reconnaître dans la Constitution les Aborigènes comme les premiers habitants de l'île-continent (archives).
KEYSTONE

Après le comptage des voix des trois quarts des bureaux de vote du pays, il ressort que 55% des électeurs ont voté «non» au texte qui proposait de reconnaître dans la Constitution les Aborigènes comme les premiers habitants de l'île-continent et de leur donner une «voix» spécifique.

Le projet prévoyait de créer un conseil consultatif – surnommé «La Voix» – auprès du Parlement et du gouvernement pour émettre des avis sur les lois et les politiques publiques qui affectent les populations autochtones, Aborigènes et insulaires du détroit de Torres, qui représentent 984'000 personnes, soit 3,8% de la population australienne.

«Les Australiens ont voté contre un changement de la Constitution», a déclaré le vice-Premier ministre Richard Marles sur la chaîne publique ABC, reconnaissant l'échec du référendum.

D'abord largement majoritaire, le camp favorable au changement de la Constitution de 1901 n'a cessé de perdre du terrain ces derniers mois, en raison notamment de la campagne menée par l'opposition conservatrice, dirigée par l'ancien ministre de la Défense Peter Dutton.

Pour le camp conservateur, la réforme constituait un bricolage constitutionnel et aurait créé des divisions au sein de la société, en créant une distinction de citoyenneté.

«C'est un résultat difficile, un résultat très difficile», a déclaré le directeur de la campagne «Yes23» Dean Parkin.

«On a fait tout ce qu'on a pu, et nous allons y revenir», a-t-il assuré.

Avalanche de commentaires racistes

La campagne avait entraîné une avalanche de commentaires racistes sur les médias en ligne.

De fausses informations ont aussi circulé, dont certaines affirment que les titres de propriété pourraient être remis en cause ou que des réparations devraient être versées si la réforme passait.

Pour les partisans de «La Voix», cette réforme devait contribuer à panser les plaies encore vives d'un passé de colonisation et de répression raciale.

Aujourd'hui, plus de 200 ans après la colonisation britannique, les Australiens autochtones, dont les ancêtres vivent sur le continent depuis au moins 60'000 ans, ont les mêmes droits que les autres citoyens, mais ils souffrent toujours de fortes inégalités.

«Jour de la honte»

Partisane du «oui», Karen Wyatt, 59 ans, avait estimé avant le scrutin que si «La Voix» était rejetée, ce serait «un jour de honte pour l'Australie».

Dee Duchesne, 60 ans, qui a fait campagne pour le «non», a expliqué vouloir «éviter qu'une couche supplémentaire de bureaucratie ne s'ajoute à notre Constitution».

Elle confiait avoir été traitée de raciste alors qu'elle distribuait des tracts près d'un bureau de vote de Sydney. «Je ne le suis pas», affirme-t-elle.

Le chef aborigène Thomas Mayo a dit sa colère contre ceux qui ont fait campagne en faveur du «non».

«Ils ont menti aux Australiens. Cette malhonnêteté ne devrait pas être oubliée par le peuple australien».

«Il devrait y avoir des répercussions pour ce type de comportement dans notre démocratie, ils ne devraient pas pouvoir s'en sortir comme ça».

Le Premier ministre de centre-gauche, Anthony Albanese, qui s'était beaucoup impliqué dans la campagne avait lancé samedi un dernier appel aux électeurs, qui ne l'ont pas entendu. «Il s'agit du respect des indigènes australiens. Il s'agit de la façon dont nous nous voyons en tant que nation, mais aussi de la façon dont le monde nous voit», avait-il plaidé.

Le vote était obligatoire pour les 17,5 millions d'électeurs australiens.

Pour être adoptée, la réforme devait recueillir non seulement une majorité de vote au niveau national, mais aussi dans au moins quatre des six Etats du pays. Elle n'a obtenu ni l'un ni l'autre.