L'OMS ressort fragilisée d'une Assemblée mondiale de la santé «historique». L'annonce d'une évaluation indépendante de son action face au Covid n'a pas suffi. Donald Trump a repris la main en menaçant d'un retrait américain, durcissant les tensions avec Pékin.
Les Etats-Unis souhaitaient surtout des investigations en Chine, un scénario rejeté par Pékin et son président Xi Jinping qui a toujours préféré une évaluation mondiale après la crise. Washington accuse son ennemi d'avoir caché des données au début de la pandémie, alors que la Chine a encore rétorqué lundi, au premier jour de la réunion des 194 membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), les avoir «toujours» partagées.
Echaudé par cette prochaine évaluation générale et encore davantage par le décalage à plus tard d'une décision pour associer Taïwan comme observateur à l'Assemblée mondiale, le président américain n'aura pas tardé à réagir dès le même soir. Après sa décision de suspendre pour deux mois la contribution financière américaine à l'OMS, il a menacé, dans une lettre au directeur général Tedros Adhanom Ghebreyesus, de rendre ces coupes permanentes.
Pire encore, il ajoute encore que les Etats-Unis, premier bailleur, quitteront l'institution si celle-ci ne s'améliore pas dans les 30 jours. Et il a durci ses accusations de proximité avec Pékin qui a reproché à son tour à Donald Trump de «se soustraire à ses obligations».
Lundi, avant même la lettre du président américain, et mardi, plusieurs acteurs dont la Suisse ont insisté sur l'importance de l'OMS face à la crise. A relever aussi qu'en contradiction avec leurs menaces, les Etats-Unis se sont associés à une résolution approuvée mardi par l'Assemblée mondiale qui mentionne le rôle directeur de l'organisation dans la réponse de l'ONU face à la crise.
Favorable pour la Chine
L'annonce de M. Trump aura de quoi remettre la pression sur l'OMS pour lancer rapidement l'évaluation, promise lundi en anticipant cette résolution. Cet accord, soutenu par la Suisse et plutôt salué par Washington, valide des investigations «entières» et «indépendantes», «au moment approprié», centrées sur l'organisation et le Règlement sanitaire international.
«Nous voulons une responsabilisation plus que quiconque», a dit M. Tedros au terme de l'Assemblée. Il a affirmé que l'OMS continuerait à mener la réponse internationale, sans répondre directement à M. Trump. Il a répété que l'évaluation ne devait pas être limitée à son organisation.
Alors que certains accusent le président américain de détourner l'attention sur sa propre réponse, considérée comme tardive, au coronavirus, le directeur général a mis en garde. Selon lui, pas question d'adopter de nouvelles structures. Le monde «doit renforcer, appliquer et financer les systèmes et les organisations qu'il a», a-t-il affirmé lundi.
Comme au moment du retrait américain du Conseil des droits de l'homme il y a deux ans, la situation semble profiter à la Chine. M. Xi a promis d'oeuvrer à un vaccin chinois qui serait partagé avec tous les pays comme «un bien commun mondial».
Il est aussi arrivé à cette réunion, organisée pour la première fois à distance, avec une aide de 2 milliards de dollars pour les Etats affectés par le coronavirus. Face à ces deux fronts, la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga avait annoncé lundi que Berne oeuvrait à établir une coalition d'Etats de chaque région pour une sécurité sanitaire pour tous.
Appel de dirigeants pas entendu sur le vaccin
Ces rebondissements dans les tensions entre Washington et Pékin feraient presque oublier une autre composante de la résolution approuvée face à une crise qui a affecté des millions de personnes et fait plus de 300'000 victimes. Les membres ont décidé que l'accès à un futur vaccin et autres médicaments sera pour tous «rapide» et «équitable», «de qualité», «sûr» et «abordable».
Sous la pression des Etats-Unis et de la Suisse notamment, ils ont préservé les entreprises pharmaceutiques en rappelant seulement des exceptions aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Mais Washington déplore la mention de possibles autorisations volontaires de l'utilisation de brevets.
Le compromis est aussi une déception pour ceux qui demandaient un «vaccin pour le peuple», gratuit et libre de propriété intellectuelle. Comme l'ancienne présidente de la Confédération Ruth Dreifuss, des dirigeants actuels ou encore des ONG.
Le chef de la faîtière internationale de la branche (IFPMA) établie à Genève, le Bâlois Thomas Cueni, considérait leurs revendications comme irréalistes. Il demande aux Etats riches comme la Suisse de «payer un peu plus» pour les pays les plus pauvres.
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