Le Parlement irrité«On va arrêter de faire des lois» - Macron défraie la chronique
AFP
2.2.2024
En renouvelant son vœu de légiférer par voie règlementaire plutôt que législative, Emmanuel Macron s'est attiré les foudres des oppositions, notamment de la droite échaudée de voir la réforme de l'Aide médicale d’État pour les étrangers échapper à ses amendements.
AFP
02.02.2024, 07:34
AFP
«On va arrêter de faire des lois», aurait confié le chef de l’État lors d'un conseil des ministres mi-janvier, selon Le Parisien, une formule confirmée par une source au sein de la majorité. «C'est dans l'esprit de faire moins de loi, on ne peut pas arrêter totalement», tempère un proche.
De fait, devant les parlementaires de la majorité, Emmanuel Macron avait bien cité des pistes législatives sur l'énergie, le logement ou encore la fonction publique, tout en jugeant «plus que préférables» d'autres chemins dont la «voie réglementaire» lorsque c'est possible.
«C'est le retour du pire du présidentialisme», attaque Arthur Delaporte (PS), qui craint un recul de droits sociaux, sur l'assurance-chômage notamment, dans le dos du Parlement, «qui est la caisse de résonance du corps social».
Ce n'est pas la première fois que le président prône une forme de parlementarisme rationalisé, dans un contexte de majorité relative à l'Assemblée. Mais ses déclarations rapportées donnent des munitions à ses adversaires.
«Je n'ose imaginer ce qu'il en aurait été si ça avait été moi qui avait tenu ce type de propos», s'est plu à souligner mardi devant la presse Marine Le Pen (RN).
«Trahison»
Une annonce du Premier ministre Gabriel Attal à l'occasion de sa déclaration de politique générale, mardi, reste en travers de la gorge de toutes les oppositions: l'Aide médicale d’État pour les sans-papiers sera réformée par décret.
En décembre, l'ancienne cheffe du gouvernement, Élisabeth Borne, avait promis une réforme «par voie règlementaire ou législative», assurant que les parlementaires seraient «pleinement associés à ces travaux». Le président des Républicains, Éric Ciotti, a dénoncé une «trahison de la parole donnée».
À gauche, les opposants à une réforme de l'AME ne décolèrent pas non plus. «L'Assemblée nationale comme le Sénat vont être dépourvues de leurs prérogatives. La moindre des choses c'est qu'on soit éclairé sur des réformes importantes», a dénoncé le patron du PCF Fabien Roussel.
Gabriel Attal, qui affrontera lundi une motion de censure déposée par la gauche, a bien annoncé dans sa déclaration de politique générale plusieurs textes à venir devant le Parlement: sur Mayotte, l'industrie verte, ou pour déverrouiller l'économie. Et rappelé des chantiers législatifs en cours sur les prix de l'électricité, la Nouvelle-Calédonie, ou la fin de vie.
Mais à ce stade le calendrier de l'Assemblée, en ce qui concerne les initiatives gouvernementales, est loin de ressembler au champ de bataille parlementaire de l'an dernier, marqué par la réforme des retraites ou la loi immigration.
«Clés du camion»
Seul un texte du gouvernement, pour lutter contre les dérives sectaires, est au programme pour l'instant. La loi sur l'agriculture, toujours attendue, est suspendue le temps de lui donner l'épaisseur nécessaire pour répondre à la colère de la profession.
Le fait que le calendrier parlementaire soit allégé suscite des avis partagés dans la majorité. «On le demande depuis le début de cette législature. Cela peut nous dégager du temps pour contrôler l'action du gouvernement (...) et l'application de la loi. Action qui doit se faire principalement sur le terrain», souligne Olga Givernet (Renaissance).
Mais «on n'empêchera jamais un parlementaire de déposer des propositions de loi, de mettre au débat des sujets», relativise un cadre. S'il appelle à «un grand texte sur le logement», et «sur l'offre de soins», Mathieu Lefèvre (Renaissance), juge qu'il ne «faut pas avoir de tabou». «Si c'est efficace, si ça permet de foncer et d'être utiles aux Français, il faut y aller», y compris par décret, plaide-t-il.
Un autre cadre, soucieux de bousculer quand il faut le chef de l'État, appelle à ne pas se contenter de «dire que tout ce qu'il fait est formidable. Sinon on n'a plus qu'à rentrer chez nous et lui laisser les clés du camion».