Récit terrifiant «Pire crise humanitaire au monde» - Assiégés, ils mangent des peaux de vache

ATS

20.10.2025 - 08:08

Assiégés, privés d'aide humanitaire et sans accès suffisant au fourrage, nourriture animale utilisée jusque-là comme dernier recours, des habitants d'El-Facher, dans l'ouest du Soudan, mangent désormais des peaux de vache pour survivre.

Des habitants d'El-Facher, dans l'ouest du Soudan, mangent désormais des peaux de vache pour survivre (image d’illustration).
Des habitants d'El-Facher, dans l'ouest du Soudan, mangent désormais des peaux de vache pour survivre (image d’illustration).
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Keystone-SDA

«Au bout de trois jours sans manger, nous avons fait griller une peau de vache», témoigne à l'AFP Salah Abdallah, 47 ans. «Même là, nous avons eu du mal à trouver du bois pour faire un feu», poursuit-il

El-Facher est la dernière grande ville de la vaste région du Darfour qui échappe encore au contrôle total des paramilitaires des forces de soutien rapide (FSR), en guerre depuis avril 2023 contre l'armée régulière. Après plus d'un an de siège, la ville est presque à court de tout.

Les cuisines populaires, soutenues jusqu'à récemment par des bénévoles, ont fermé leurs portes il y a une semaine faute de provisions. Et même la nourriture pour animaux, utilisée comme dernier recours, est devenue rare et hors de prix.

Rien à manger

Mercredi, le comité de résistance d'El-Facher, l'un des collectifs civils qui documentent les exactions liées au conflit, a diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo montrant des morceaux de peau animale grésiller sur un petit feu. Sur le réseau social X, un internaute ayant relayé la vidéo évoque de «vieilles peaux» utilisées pour calmer la faim.

«La population d'El-Facher mange désormais de la peau de vache pour survivre, car il ne reste même plus de fourrage pour les animaux», écrit le comité au bas de cette vidéo pour dénoncer la faim qui ronge cette ville.

A El-Facher, Salah Adam, 28 ans, étudiant universitaire, avait trouvé refuge dans un centre d'accueil du quartier Daraja Oula après avoir fui celui d'Awlad Al-Rif, pris ces dernières semaines par les FSR.

«Pendant les deux premiers jours après l'arrêt de la cuisine communautaire, j'ai partagé avec une autre famille un bol de bouillie de graine de maïs sans sel», confie-t-il, précisant qu'il n'a rien mangé depuis mercredi. «Je vais quitter la ville, peu importe le danger».

Depuis août, les FSR ont intensifié les tirs d'artillerie et les attaques de drones pour tenter de faire tomber el-Facher, prenant ces dernières semaines le contrôle de plusieurs secteurs de la ville et réduisant progressivement les derniers bastions de l'armée.

«Peur de mourir de faim»

Selon des images de satellites analysées par le Humanitarian Research Lab (HRL) de l'université Yale, el-Facher est ceinturée par près de 68 kilomètres de remblais, avec pour seule issue un corridor de trois à quatre kilomètres.

La guerre au Soudan a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.

Cette guerre a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué ce que l'ONU qualifie de «pire crise humanitaire au monde» avec entre autres des millions de déplacés y compris un million de personnes qui ont fui el-Facher.

Parmi eux, Ibrahim Ossman, 36 ans, qui vit désormais à Tawila, à 70 km à l'ouest de la ville, avait pourtant juré de tenir. «J'avais décidé de rester malgré les bombardements incessants, mais la peur de mourir faim m'a poussé à partir».

La population de la ville, autrefois la plus grande du Darfour soudanais, a diminué d'environ 62%, passant de plus d'un million d'habitants à environ 413'000, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).