France Onde de choc politique, 31 migrants décédés 

ATS

24.11.2021 - 18:04

La Manche, nouveau «cimetière à ciel ouvert»: au moins 31 migrants sont décédés mercredi dans le naufrage de leur embarcation au large de Calais. Ce drame aussi terrible qu'inédit a suscité une onde de choc à Paris et Londres après plusieurs semaines de tension.

Gendarme français observant à la frontière entre la France et l'Angleterre
Gendarme français observant à la frontière entre la France et l'Angleterre
KEYSTONE

La France ne laissera pas la Manche devenir un cimetière", a affirmé jeudi le président Emmanuel Macron en annonçant la mort d'au moins 31 migrants dans ce que le Premier ministre Jean Castex a qualifié de «tragédie».

Le chef d'Etat a réclamé également «une réunion d'urgence des ministres européens concernés par le défi migratoire» et assuré que «tout sera mis en oeuvre pour retrouver et condamner les responsables» de ce naufrage.

Johnson «choqué»

«Choqué, révolté et profondément attristé», le Premier ministre britannique Boris Johnson a assuré vouloir «faire plus» avec la France pour décourager les traversées illégales de la Manche.

«Nous avons eu des difficultés à persuader certains de nos partenaires, en particulier les Français, d'agir à la hauteur de la situation», a-t-il déclaré sur Sky News à l'issue d'une réunion de crise, pointant les désaccords franco-britanniques.

Après des semaines de tension sur la question migratoire, Londres et Paris avaient récemment convenu de renforcer leur coopération pour tenter de tarir ces départs après une montée de tension dans le sillage de l'arrivée le 11 novembre de 1185 migrants sur les côtes anglaises, un record.

Le plus meurtrier depuis 2018

Ce drame, redouté par les autorités et les associations depuis plusieurs mois, est de loin le plus meurtrier depuis l'envolée en 2018 des traversées migratoires de la Manche, face au verrouillage croissant du port de Calais et d'Eurotunnel, emprunté jusque-là par les migrants tentant de rallier l'Angleterre.

Les navires de sauvetage ramenant les victimes devaient accoster dans la soirée à Calais, où un hangar a été ouvert dans le port pour accueillir les corps.

Un large périmètre de sécurité a été mis en place avec un important dispositif de pompiers et sauveteurs, a constaté un journaliste de l'AFP. Selon l'administration des Affaires maritimes, les recherches ont été interrompues pour le moment.

Avant ce naufrage, le bilan des décès depuis le début de l'année s'élevait à trois morts et quatre disparus. Six personnes avaient trouvé la mort et trois autres avaient été portées disparues en 2020.

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, devait se rendre à l'hôpital de Calais dans la soirée. Il a fait part sur Twitter de sa «forte émotion» et condamné le «caractère criminel des passeurs qui organisent ces traversées».

Enquête ouverte

Le parquet de Dunkerque a annoncé à l'AFP l'ouverture d'une enquête pour «aide à l'entrée au séjour irrégulier en bande organisée» et «homicide involontaire aggravé».

Le drame s'est déroulé sur un «long boat», un bateau gonflable fragile, dont le fond souple a tendance à se replier quand il prend l'eau et est surchargé, a-t-on appris auprès des sauveteurs. L'utilisation de ces embarcations particulièrement dangereuses et de mauvaise qualité est de plus en plus fréquente depuis cet été.

Selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord, trois hélicoptères et trois bateaux ont participé aux recherches. Une cinquantaine de personnes se trouvaient à bord de l'embarcation qui était partie de Dunkerque, a indiqué une source proche du dossier.

«Drame horrible»

«Ce qui s'est passé est un drame horrible», a déclaré à l'AFP Didier Leschi, le directeur général de l'Office français de l'immigration. Il a dénoncé les passeurs «qui essaient coûte que coûte de maintenir des camps près de la mer pour faciliter le travail morbide de faire traverser la Manche à des migrants à leurs risques et périls».

Outre-Manche, la députée conservatrice de Douvres, Natalie Elphicke, a déploré «une tragédie absolue».

Les tentatives de traversées migratoires de la Manche à bord de petites embarcations ont doublé ces trois derniers mois, avait mis en garde vendredi dernier le préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, Philippe Dutrieux.

Au 20 novembre, 31'500 migrants avaient quitté les côtes depuis le début de l'année et 7.800 migrants avaient été sauvées, avait-il affirmé. Une tendance, avait-il remarqué, qui n'a pas baissé malgré les températures hivernales.

Selon Londres 22'000 migrants ont réussi la traversée sur les dix premiers mois de l'année. M. Dutrieux explique notamment ce phénomène par «le cynisme des organisations qui sont derrière ces passages».