Elections américaines Pourquoi une victoire de Biden attiserait la «guerre froide» avec la Chine?

tsha

19.10.2020

Donald Trump et Joe Biden sont tous deux partisans d'une politique commerciale qui vise principalement à servir les intérêts américains.
Donald Trump et Joe Biden sont tous deux partisans d'une politique commerciale qui vise principalement à servir les intérêts américains.
Keystone

Que ce soit Donald Trump ou Joe Biden, les deux hommes politiques misent sur la confrontation dans le conflit commercial avec la Chine. En fin de compte, Pékin devrait se considérer comme un vainqueur moral.

«Buy American» – dans le contexte de la course à la Maison-Blanche, les slogans de ce type incitant les consommateurs à acheter des produits de fabrication américaine se multiplient ces derniers temps. Mais pas au cours des apparitions de Donald Trump, qui continue de s’en tenir à sa recette à succès du «Make America Great Again» (abrégé en «MAGA»). C’est son challenger Joe Biden qui fait ainsi appel à la fierté nationale de ses compatriotes dans leurs achats.

Même si Joe Biden et Donald Trump se distinguent à bien des égards, notamment dans leur façon de communiquer, les deux rivaux ont plus de points communs qu’ils ne voudraient l’admettre dans leur politique commerciale, et donc aussi dans leur approche vis-à-vis de la Chine.



Donald Trump voit évidemment les choses différemment. Joe Biden compte «déplacer des emplois en Chine», a-t-il tonné lors d’une récente apparition. L’intéressé ne veut pas laisser passer cette accusation, qui constitue un véritable poison dans cette campagne électorale houleuse. C’est pourquoi il appelle sans cesse ses compatriotes à investir et à produire aux Etats-Unis – comme pour s’exposer le moins possible aux attaques de Donald Trump.

En effet, les allégations du président sortant ne sont pas tout à fait erronées. Par le passé, Joe Biden a constamment soutenu la politique de libre-échange des dernières décennies, dont la Chine a massivement profité, que ce soit en tant que vice-président sous Barack Obama ou en tant que sénateur dans les années qui ont précédé. Il y a quatre ans, Hillary Clinton se présentait encore comme une mondialiste convaincue au cours de sa campagne électorale et suivait donc parfaitement la ligne de nombreux autres démocrates. Evidemment, cela n’a pas joué en sa faveur, bien au contraire: c’est justement dans les régions les plus pauvres des Etats-Unis, hostiles à la mondialisation, qu’elle a perdu des voix au profit de Donald Trump.

La mondialisation, malédiction ou bénédiction?

Le fait que Joe Biden exige aujourd’hui le contraire de ce qui faisait encore partie de son programme il y a quelques années est certainement lié d’une part aux leçons qu’il a tirées de la défaite d’Hillary Clinton. Cependant, même à l’époque, des voix s’étaient élevées au sein du Parti démocrate pour critiquer ouvertement la tendance mondialiste de leurs dirigeants. En effet, de l’avis de beaucoup, la crise financière de 2008 avait mis à nu les côtés sombres de la mondialisation.

En avril 2017, Xi Jinping a été l'invité de Donald Trump.
En avril 2017, Xi Jinping a été l'invité de Donald Trump.
Keystone

Au cours des quatre dernières années, Donald Trump a fait de son offensive contre la mondialisation et le multilatéralisme l’élément central de sa politique. Les relations entre les Etats-Unis et la Chine sont à leur pire niveau depuis des décennies. Il faudrait remonter à 1989, lorsque la Chine a écrasé dans le sang le mouvement démocratique, pour trouver un moment où les relations entre les deux nations étaient aussi glaciales qu’aujourd’hui. Certains observateurs parlent d’ores et déjà d’une nouvelle guerre froide entre les deux superpuissances.

Les revendications formulées par Joe Biden dans le cadre de la campagne électorale ressemblent à du populisme dans le pur style «MAGA». «Si votre stratégie d’entreprise consiste à augmenter les bénéfices de vos actionnaires et les primes de votre PDG en délocalisant des emplois, nous nous assurerons tout d’abord de vous faire payer la totalité des impôts américains sur ces bénéfices», a récemment lancé Joe Biden à l’encontre des dirigeants d’entreprises américaines, annonçant également l’instauration de pénalités fiscales. Les entreprises américaines qui produisent à l’étranger devront payer un supplément de 10%, a précisé Joe Biden. Le candidat a en revanche promis un allègement fiscal du même ordre aux entreprises qui ramèneront aux Etats-Unis des emplois délocalisés.

La Chine entre inquiétude et espoir

En s’exprimant ainsi, Joe Biden ne semble pas avoir l’intention de se rapprocher de la Chine – bien au contraire. Alors que Donald Trump joue généralement la carte du nationalisme, Joe Biden mise sur les préoccupations économiques de ses électeurs potentiels. Mais le résultat est le même. Si l’homme politique de 77 ans est élu à la Maison-Blanche début novembre et met ses menaces à exécution, les relations entre la Chine et les États-Unis pourraient bien rester glaciales. Cela a-t-il été constaté en Chine?

Le fait que Joe Biden soit actuellement en avance sur le président sortant dans les sondages semble tout au moins plaire aux investisseurs en Chine. «La perspective d’une arrivée de Joe Biden à la présidence des Etats-Unis réjouit les marchés chinois», a récemment analysé le «Handelsblatt», un quotidien allemand. Peut-être parce qu’à la différence de Donald Trump, Joe Biden emploie une rhétorique moins agressive dans ses critiques à l’égard de Pékin. Il est également considéré comme plus fiable que Donald Trump, qui est connu pour ses changements soudains de politique. Alors qu’il invective aujourd’hui presque quotidiennement la Chine en employant les termes les plus durs, le président lui faisait les yeux doux avec des flatteries il y a quelques années seulement.

Mais il y a aussi des voix en Chine qui considèrent que c’est justement pour cette raison que Joe Biden représente une menace encore plus grande que Donald Trump pour les relations commerciales entre les deux pays. Elles considèrent que les errances de Donald Trump et le manque évident de stratégie du président américain sont moins dangereux que la position déterminée et cohérente en soi de Joe Biden à l’égard de Pékin.

La Chine, vainqueur moral?

Cheng Xiaohe, professeur de relations internationales à l’Université populaire de Chine à Pékin, craint que Joe Biden ne puisse employer des «tactiques plus coordonnées» contre la Chine que Donald Trump jusqu’à présent. Son intervention dans le conflit commercial pourrait être «plus efficace» pour les États-Unis, a indiqué Cheng Xiaohe au «New York Times».

Ainsi, quel que soit le vainqueur des élections américaines du 3 novembre, la Chine pourrait finalement continuer de jouer le double rôle qu’elle endosse depuis des années: même si l’économie chinoise devrait encore souffrir du conflit avec les Etats-Unis, Joe Biden dans le costume du président des Etats-Unis donnerait également à son homologue chinois Xi Jinping une excuse pour se présenter auprès du public comme une alternative au protectionnisme américain.



Au moins depuis son apparition au Forum économique mondial de Davos en 2017 lors de laquelle il a défrayé la chronique, Xi Jinping apprécie visiblement ce rôle d’alternative rayonnante à l’isolationnisme américain. Que ce soit Donald Trump ou Joe Biden, Xi Jinping devrait ressortir en tant que vainqueur moral des prochaines élections américaines, incarnant ce pays qui maintient les valeurs façonnées autrefois par les Etats-Unis. C’est du moins ainsi que la Chine aimera se présenter au public mondial.

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