"Remarquable" Poutine cimente la défense européenne

ATS

28.2.2022 - 21:14

La décision des Etats de l'UE de consacrer en commun un demi-milliard d'euros à des achats d'armements pour l'Ukraine en guerre contre la Russie a surpris par sa rapidité et constitue un moment «déterminant» pour l'Europe de la défense, estiment responsables politiques et analystes.

Le président de la France Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel 
Le président de la France Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Charles Michel 
KEYSTONE/AP Photo/Francois Mori

28.2.2022 - 21:14

«Il s'agit d'un moment déterminant pour la défense européenne», a affirmé lundi le président du Conseil européen Charles Michel, à la manoeuvre pour faire accepter cette décision aux Etats membres.

«La décision de livrer des armes à l'Ukraine en utilisant la 'Facilité européenne de paix' constitue un moment pivot pour l'Europe de la défense de par son ampleur, sa nature et sa vélocité», a expliqué à l'AFP Pierre Morcos, chercheur associé au CCIS, un centre d'étude stratégiques basé à Washington.

«Abstention constructive»

La «Facilité européenne de paix» est un instrument financier indépendant du budget commun et des procédures européennes pour l'allocation de fonds, doté de 5 milliards d'euros. Son utilisation est une décision des seuls Etats membres, prise à l'unanimité.

Mais une disposition permet une «abstention constructive», et Charles Michel s'est attaché à convaincre les Etats réticents à livrer des armes de combat à un pays en guerre de ne pas bloquer la décision, ont raconté à l'AFP des collaborateurs impliqués dans les tractations.

Trois pays se sont abstenus, a précisé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.

La décision a permis de répondre à un appel pressant du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Il a transmis à Charles Michel une liste impressionnante d'armes consultée par l'AFP, notamment des missiles anti-chars et des lance-missiles Stinger utilisés par les forces armées ukrainiennes.

Plusieurs Etats membres possèdent ces armements et les ont prélevés dans leurs arsenaux pour les livrer à Kiev.

La Pologne a proposé d'être la plaque tournante de ces livraisons, qui ont commencé dès samedi et ont été «significatives», selon des responsables européens.

Les Etats-Unis ont apporté leur soutien, avec la mise à disposition d'avions de transport pour assurer les rotations vers la Pologne.

Le recours à la Facilité européenne de paix va permettre de rembourser ces fournitures: 450 millions sont destinés aux achats d'armes de combat et 50 millions à des équipements et du carburant

«C'est assez remarquable», a reconnu l'eurodéputé conservateur français Arnaud Danjean, ancien militaire et spécialiste des questions de défense. «Beaucoup d'annonces ont été faites, certaines pas judicieuses ou irréalisables, comme l'envoi d'avions de combat. Il faut maintenant que les armes arrivent et tout va dépendre de la situation sur le terrain».

«La détermination politique collective montre un nouvel état d'esprit en Europe et va être un accélérateur pour les réflexions sur l'Europe de la défense», a-t-il estimé.

«Les Européens disposaient des outils pour agir, mais leurs actions ont toujours été entravées par des tabous politiques et un manque de culture stratégique commune. La guerre en Ukraine semble avoir eu un effet catalyseur», a souligné Pierre Morcos.

Alignement des planètes

La décision de l'Allemagne de livrer des armes – 1400 lance-roquettes antichar, 500 missiles sol-air de type Stinger et neuf obusiers – a enclenché une dynamique. La Suède a suivi, rompant elle aussi avec sa doctrine, avec l'envoi de 5000 lance-roquettes antichar à l'Ukraine, et la Finlande a annoncé lundi à son tour la décision «historique» de fournir des armes.

Plusieurs pays non membres de l'UE ont contacté depuis le président du Conseil européen pour participer financièrement à l'effort européen en abondant la Facilité européenne de paix, selon un responsable européen.

«On a plus avancé en un week-end que pendant les 20 dernières années. L'Europe avait les instruments, les moyens et les capacités, mais il manquait toujours la volonté politique. (Le président russe) Vladimir Poutine a réussi à aligner les planètes européennes», résume Arnaud Danjean.

ATS