Quelques échauffourées ont éclaté mercredi au Niger où l'opposition a revendiqué sa victoire à la présidentielle après l'annonce officielle de celle du candidat du pouvoir. Ce pays est déjà confronté à d'immenses défis, dont la menace jihadiste.
«La compilation des résultats des PV en notre possession à travers nos délégués dans les différents bureaux de vote nous donne gagnants avec 50,3% des voix», a affirmé Mahamane Ousmane depuis son fief de Zinder (sud-est) dans la nuit de mardi à mercredi.
L'accès au réseau internet a été très réduit mercredi dans la capitale Niamey et à Zinder, deuxième ville du pays, a constaté l'AFP.
A Agadez, dans la circonscription de Timia, «le taux de participation de 103% a été rapporté avec un score de 99% en faveur du candidat du pouvoir», a accusé Ousmane, en disant qu'il allait déposer des recours devant la Cour constitutionnelle comme le prévoit la loi.
«Dans ces zones nos délégués ont été contraints sous la menace d'armes à feu à signer les PV, sans aucune possibilité de porter des observations», a-t-il affirmé.
Troubles
Cette annonce a été suivie mercredi matin par quelques troubles dans la capitale, notamment dans le quartier central du grand-marché, où au moins une station Total a été vandalisée.
Dans l'après-midi, quelques groupes de jeunes opposés à la victoire du candidat du pouvoir Mohamed Bazoum ont affronté les forces de l'ordre à Kollo, à une cinquantaine de km de Niamey, selon des habitants sur place, ainsi que dans certaines zones de l'ouest de Niamey.
L'ancien chef d'état-major des armées Moumouni Boureima (en poste sous le régime de Mamadou Tandja, jusqu'en 2010), a été interpellé à son domicile mercredi, selon une source sécuritaire de haut rang.
Il est accusé d'être «un meneur» des troubles qui ont émaillé l'annonce des résultats, a ajouté cette source. Il est réputé être un proche de Hama Hamadou, principal opposant nigérien qui n'a pu se présenter mais a soutenu la candidature de Mahamane Ousmane.
Arrestations
«Plusieurs personnes» ont été arrêtées et d'autres étaient recherchées mercredi soir, a déclaré le procureur de la République Maman Sayabou Issa sur la télévision publique, sans donner plus de détails.
Les forces de défense «se sont organisées pour rétablir l'ordre» après des «actes de vandalisme» depuis mardi soir, a-t-il dit.
Mardi, la Commission électorale nationale indépendante (Céni) avait donné vainqueur avec 55,75% des voix Mohamed Bazoum, dauphin du président sortant Mahamadou Issoufou, selon des résultats provisoires qui doivent être confirmés par la Cour constitutionnelle.
«Hold-up» électoral
Avant cette annonce, l'opposition avait déjà dénoncé un «hold-up électoral» et demandé la suspension de l'annonce des résultats.
Des heurts sporadiques avaient alors eu lieu à Niamey, des jeunes marchant dans les rues du centre-ville en jetant des pierres vers les forces de l'ordre.
Aux abords du siège du parti au pouvoir où Bazoum a fait une déclaration en saluant le score d'Ousmane et en souhaitant «que nous regardions dans la même direction», des gaz lacrymogènes avaient été tirés contre des manifestants tentant de s'en approcher.
La nuit a ensuite été agitée dans la capitale et à Dosso, à 100 km au sud de Niamey, où des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre ont eu lieu.
A Niamey, au moins un commissariat et des boutiques de présumés proches du pouvoir ont été saccagés par des manifestants, selon diverses sources contactées par l'AFP.
Condamnation et félicitations
L'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a condamné ces «violences post-électorales», tandis que Bazoum a été félicité par plusieurs de ses pairs de la région: Alassane Ouattara (Côte d'Ivoire), Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso), Idriss Déby Itno (Tchad), ou encore Mohamed Ould Ghazouani (Mauritanie).
La vraie réussite du scrutin dans ce pays sahélo-saharien à l'histoire marquée par les putschs et déjà confronté à de multiples défis – dont celui des attaques jihadistes – réside dans l'acceptation des résultats par toutes les parties une fois les résultats annoncés, selon de nombreux observateurs.
Entre les deux tours, l'opposition avait déclaré qu'elle ne reconnaîtrait pas les résultats si elle les estimait entachés de fraudes. Elle avait déjà dénoncé des irrégularités lors du premier tour, mais avait été déboutée par la justice.
Si elle avait refusé de participer à la Céni au premier tour, elle l'avait finalement rejointe pour le second.
«Si l'opposition a des doutes, elle doit pouvoir disposer d'éléments de preuves» à transmettre à la Cour constitutionnelle, a relevé M. Bazoum mardi soir en s'adressant à la presse.
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