Les experts inquiets Que prévoit Poutine? - «L'élection n'est pas aussi importante que ce qui suivra»

dpa/dmu/Trad

17.3.2024

Il est certain que le président russe sera confirmé dans ses fonctions. Que se passera-t-il ensuite ? Beaucoup s'attendent à des décisions impopulaires que Poutine se réserve pour l'après-élection.

En cas de confirmation, Poutine pourrait rester en poste jusqu'en 2030.
En cas de confirmation, Poutine pourrait rester en poste jusqu'en 2030.
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Les élections en Russie ne présentent que peu de suspense dramatique: il est clair que le président Vladimir Poutine se dirige vers un nouveau mandat de six ans. Ce qu'il fera après sa victoire électorale est plutôt la question passionnante - les observateurs envisagent la période à venir avec inquiétude.

«L'élection présidentielle en Russie n'est pas aussi importante que ce qui suivra», explique dans un commentaire l'expert politique Bryn Rosenfeld de l'université Cornell à Ithaca dans l'Etat américain de New York. «Poutine a souvent repoussé les mesures impopulaires jusqu'à après les élections».

En cas de confirmation, Poutine pourrait rester en poste jusqu'en 2030. Il aurait alors dirigé la Russie pendant trois décennies complètes en tant que président ou premier ministre. Combiné à la répression de l'opposition et de la critique, le pouvoir est énorme.

La position de Poutine est actuellement encore renforcée par la résistance surprenante de l'économie russe, qui a su faire face aux sanctions occidentales de grande ampleur après l'invasion de l'Ukraine. Les succès remportés sur le front de la guerre d'agression contre l'Ukraine au cours des derniers mois jouent également en faveur de Poutine.

Mobiliser les ressources pour la guerre

La mesure la plus impopulaire serait sans doute d'ordonner une deuxième mobilisation pour la lutte contre l'Ukraine. La première mobilisation, en septembre 2022, avait déclenché des protestations et poussé de nombreux Russes à fuir pour échapper à une conscription.

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«Les dirigeants russes parlent désormais d'une ‹consolidation de l'ensemble de la société russe autour de ses besoins en matière de défense›», explique Brian Michael Jenkins, du groupe de réflexion Rand Corporation. «Ce que cette formulation signifie exactement n'est pas très clair, mais elle indique que les dirigeants russes ont compris que la guerre décrite par Poutine va durer encore longtemps et qu'il faut donc mobiliser des ressources», explique-t-il.

«En d'autres termes, la société russe doit être organisée pour une guerre continue». Tatiana Stanovaya du Carnegie Russia Eurasia Center part toutefois du principe que Poutine n'a pas du tout besoin d'une mobilisation supplémentaire.

Cela s'explique d'une part par le fait que de nombreuses personnes issues de régions pauvres se sont engagées dans la lutte pour recevoir une solde nettement supérieure à leurs revenus actuels. D'autre part, la confiance affichée par Poutine dans le fait que la guerre tourne à l'avantage de la Russie pourrait l'inciter à insister sur un règlement à la table des négociations - ce qui signifierait en réalité une capitulation pour l'Ukraine.

Démasquer l'OTAN comme un «tigre de papier»

En ce qui concerne l'OTAN, le président russe pourrait éventuellement viser à mettre à l'épreuve la détermination de l'alliance de défense occidentale, estiment également les observateurs. Alexandra Vacroux, du Centre Davis pour l'étude de la Russie à l'université de Harvard, estime que Poutine va tenter dans les années à venir de provoquer la chute de l'Alliance conformément à l'article 5.

Celui-ci stipule qu'une attaque armée contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. «Je ne crois pas que Poutine pense qu'il doit être plus fort physiquement et militairement que tous les autres pays», explique Vacroux. «Il doit juste faire en sorte qu'ils soient plus faibles et plus déchirés». La question qui se pose à lui est donc plutôt: comment rendre tous les autres plus faibles?

«Pour y parvenir, il faut trouver une situation dans laquelle on peut tester l'article 5», explique-t-elle. Si la réaction est alors faible ou incertaine, «on aura alors montré que l'OTAN n'est qu'un tigre de papier», dit Vacroux. Cela pourrait aussi se faire sans confrontation militaire directe: La question est par exemple de savoir quel type de cyberattaque constitue une réelle menace.

Mais ce n'est pas tant Poutine lui-même qui pousse à de telles mesures, estime l'experte de Carnegie Stanovaya. Il approuve plutôt les autres, qui sont conçues pour lui dans un esprit d'obéissance anticipée.

Le mouvement LGBTQ+ dans le collimateur

«De nombreux acteurs tentent de survivre et de s'adapter, et ils sont en concurrence les uns avec les autres et ont souvent des intérêts contradictoires», explique Stanovaya. «Ils essaient tous en même temps d'assurer leurs propres priorités et la stabilité du régime».

Ben Noble, de l'University College de Londres, voit par exemple le mouvement LGBTQ+ - considéré comme «extrémiste» - dans le collimateur de nouvelles répressions lors du prochain mandat de Poutine. Il pourrait bien être attaqué en tant qu'«importation de l'Occident décadent».