Amérique trop polariséeBiden veut réformer la Cour suprême: une chimère
ATS
30.7.2024 - 08:18
La réforme de la Cour suprême américaine proposée lundi par Joe Biden pour empêcher que celle-ci ne soit trop politisée est quasiment vouée à l'échec, les changements proposés requérant un dépassement des clivages que rien ne laisse augurer dans un pays polarisé à l'extrême.
30.07.2024, 08:18
ATS
Sa proposition vise en premier lieu la Cour suprême actuelle, composée de six juges conservateurs et trois juges progressistes. Celle-là même qui, en dynamitant le droit fédéral à l'avortement en 2022 ou en étendant le champ de l'immunité présidentielle au profit de Donald Trump, a permis au mouvement conservateur américain d'enregistrer d'immenses victoires.
Ces décisions ont secoué la vision qu'ont les Américains de cette vénérable institution. Un sondage de mai montre que seulement 39% des interrogés sont satisfaits de son travail. Chez les républicains, la proportion atteint 57% contre 23% chez les démocrates.
Cette politisation remonte à l'année 2000, quand la Cour a donné à raison à George W. Bush contre Al Gore dans le décompte de l'élection présidentielle en Floride, couronnant de fait le premier, républicain, relève Tracy Thomas, professeure de droit à l'Université d'Akron. «C'est la première fois de ma vie que nous avions vu la Cour si indubitablement partisane», affirme l'universitaire.
La majorité conservatrice actuelle de la Cour – résultat de trois nominations par Donald Trump – se sent même «encouragée» à prendre des décisions retentissantes, estime Keith Bybee, de l'université de Syracuse, rappelant que, pour l'avortement, les juges sont revenus sur une jurisprudence qui avait un demi-siècle.
Mort-née
C'est face à ces défaites à répétition pour le mouvement progressiste que le président américain Joe Biden propose sa réforme en trois parties. Une première peut être considérée comme mort-née.
Le président démocrate propose un amendement constitutionnel pour annuler la récente décision de la Cour suprême soutenant les revendications de Donald Trump en matière d'immunité présidentielle.
Or, pour être adopté aux Etats-Unis, un amendement constitutionnel requiert une majorité qualifiée des deux tiers des deux chambres du Congrès ainsi que l'accord de trois quarts des Parlements des 50 Etats.
Une procédure si rigide qu'il est désormais quasiment impossible de la faire aboutir, analyse l'universitaire Keith Bybee. «C'est la raison pour laquelle nous avons si peu d'amendements à notre Constitution.»
Congrès divisé
La seconde proposition de Joe Biden consiste à mettre fin à la nomination à vie des juges de la Cour suprême en créant un mandat limité à 18 ans.
Une telle réforme législative devrait être votée par un Congrès divisé, avec un Sénat démocrate et une Chambre des représentants républicaine.
Et les dirigeants républicains «ne voient aucune raison de freiner la Cour quand elle fait enfin ce qu'ils voulaient qu'elle fasse», estime encore Keith Bybee.
Mais la troisième proposition de Joe Biden, l'instauration d'un code d'éthique, a «une chance plus importante de passer», nuance le professeur Tracy Thomas, même s'il semble difficile de voir un tel accord émerger en pleine campagne électorale.
Plusieurs révélations interrogeant la probité des juges ont récemment secoué l'institution de Washington. Dans la foulée, en novembre dernier, la Cour a adopté un ensemble de règles éthiques, mais sans autorité pour les faire respecter, à l'inverse de codes déjà existants pour des tribunaux inférieurs.
Si l'institution ne parvient pas à se réformer elle-même, «le Congrès doit utiliser ses pouvoirs constitutionnels pour exiger de la Cour la mise en place de réformes éthiques à la manière de tous les autres tribunaux fédéraux», a déclaré Dick Durbin, influent sénateur démocrate et chef de la commission judiciaire, apportant son soutien au plan de Joe Biden.
La dernière grande tentative de réformer la Cour suprême remonte à la présidence de Franklin D. Roosevelt, qui, entravé dans ses réformes du New Deal pour relever le pays de la Grande Dépression, avait tenté d'augmenter le nombre de juges. En vain.