Nicaragua Réélu, Ortega essuie un déluge de critiques

br

9.11.2021 - 08:54

Le président du Nicaragua, Daniel Ortega, affrontait lundi un déluge de critiques de la communauté internationale et la menace de nouvelles sanctions américaines, au lendemain de sa réélection sans surprise.

Keystone-SDA, br

L'ancien guérillero sandiniste, âgé de 75 ans et au pouvoir depuis 2007, a obtenu 75,92% des voix selon des résultats quasi-définitifs portant sur 97,74% des bulletins, selon le Conseil suprême électoral.
L'ancien guérillero sandiniste, âgé de 75 ans et au pouvoir depuis 2007, a obtenu 75,92% des voix selon des résultats quasi-définitifs portant sur 97,74% des bulletins, selon le Conseil suprême électoral.
KEYSTONE

L'ancien guérillero sandiniste, âgé de 75 ans et au pouvoir depuis 2007, a obtenu 75,92% des voix selon des résultats quasi-définitifs portant sur 97,74% des bulletins, selon le Conseil suprême électoral.

«Nous recevons ces votes avec humilité et un sens énorme de la responsabilité», a réagi Rosario Murillo, l'épouse de M. Ortega, réélue au poste de vice-présidente. Ces élections, pour lesquelles aucun observateur étranger n'avait été autorisé, ont été «souveraines», a ajouté Mme Murillo.

Sanctions plus dures

Alors que le président américain Joe Biden avait qualifié, dès dimanche soir, le scrutin de «comédie», Washington a menacé lundi le pouvoir de Managua de nouvelles sanctions.



«Nous continuerons à avoir recours à la diplomatie, à des mesures coordonnées avec nos alliés et partenaires régionaux, aux sanctions et aux restrictions de visa» pour que «les complices des actes non démocratiques du gouvernement Ortega-Murillo rendent des comptes», a déclaré le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, dans un communiqué.

Après les arrestations de 39 opposants, dont les sept principaux rivaux potentiels de Daniel Ortega, les Etats-Unis et l'Union européenne – qui a condamné des élections «sans légitimité» – avaient déjà imposé des sanctions aux proches du chef de l'Etat.

Joe Biden s'apprête maintenant à promulguer un arsenal de sanctions encore plus dures édictées par la loi RENACER, approuvée dernièrement par le Congrès américain.

Félicitations des alliés

L'Assemblée générale de l'Organisation des Etats Américains (OEA) a mis la situation au Nicaragua à son ordre du jour cette semaine et pourrait décider de suspendre l'adhésion de Managua, bien que des experts craignent qu'une telle décision endurcisse encore la position du gouvernement.

«2022 sera assurément une année difficile pour le gouvernement» nicaraguayen «mais aussi pour la population, aussi bien en termes politiques qu'économiques», a déclaré à l'AFP Elvira Cuadra, de l'Institut nicaraguayen d'Etudes politiques (IEEPP).

M. Ortega a reçu les félicitations de ses alliés, Cuba, Bolivie, Russie et Venezuela. Lundi soir, le président vénézuélien, Nicolas Maduro, a qualifié de «lâches» les gouvernements qui ont critiqué le scrutin de dimanche et souligné «l'impressionnante victoire» de son homologue nicaraguayen.

Taux de participation contesté

Cependant, pour l'analyste politique costaricien Kevin Casas, la marge de manoeuvre de la communauté internationale s'est «réduite», tandis que Daniel Ortega peut se tourner vers la Russie et la Chine. Le chef de l'Etat et son épouse et vice-présidente Rosario Murillo devront aussi relever des défis internes au pays.

Le tribunal électoral a annoncé un taux de participation de 65,34%, tandis qu'un observatoire proche de l'opposition a estimé l'abstention à 81,5%, se basant sur des données fournies par 1450 observateurs non autorisés, présents dans 563 centres de vote, qui ont constaté l'absence de files d'attente devant les bureaux de vote.

«Minimum vital»

Le président Ortega va devoir compter avec «l'indifférence des Nicaraguayens et la poursuite de la lutte (de l'opposition) qui ne va pas s'arrêter», avertit l'analyste et ex-diplomate nicaraguayen Edgard Parrales. Daniel Ortega a certes annoncé qu'il convoquera un dialogue national après les élections, mais ses interlocuteurs restent inconnus.

Le Nicaragua reste le pays le plus pauvre d'Amérique centrale et la crise politique du printemps 2018 a été suivie d'une crise économique amplifiée par la pandémie de coronavirus. Malgré tout, les autorités tablent pour 2021 sur une croissance de plus de 6% (5% pour le FMI).

Mais l'économie nicaraguayenne est fortement dépendante des transferts d'argent des émigrés (1,4 milliard de dollars, de janvier à août 2021), des investissements étrangers, de la coopération et de financements par les organismes internationaux de crédit, souligne l'analyste Eliseo Nunez. En raison de l'isolement international du régime, ces financements «vont s'arrêter» en 2022, avertit-il.

«Les gens vivent avec le minimum vital, le coût de la vie est trop élevé, il ont recours à des petits commerces de survie», explique à l'AFP l'économiste Luis Nunez. Environ 1,6 million des 6,5 millions de Nicaraguayens vivent en dessous du seuil de pauvreté, selon des données officielles datant de 2014, qui n'ont pas été actualisées.

Selon des études indépendantes de la Fondation internationale pour le défi économique global (FIDEG), la pauvreté a progressé en 2016 de 39% à 42%. Pour des raisons économiques ou politiques, plus de 100'000 personnes ont quitté le pays depuis 2018, selon la Commission intéraméricaine des droits de l'homme (CIDH).