Contesté dans la rue depuis août, le président bélarusse Alexandre Loukachenko a rencontré lundi son homologue russe Vladimir Poutine. Son principal soutien s'est dit «convaincu» qu'il surmontera la crise, sans s'avancer publiquement sur un soutien plus marqué.
Les deux chefs d'État se sont retrouvés à Sotchi, station balnéaire du sud-ouest de la Russie, pour le premier déplacement de M. Loukachenko à l'étranger depuis sa réélection contestée du 9 août, qui a déclenché un mouvement de protestation historique au Bélarus.
Lors de ce tête-à-tête de plus de quatre heures, M. Loukachenko a confirmé à Vladimir Poutine «son intention d'apporter des modifications à la Constitution», selon le Kremlin. Ce projet, soutenu par Moscou mais dont les contours restent flous, est le seul compromis évoqué par Minsk pour sortir de la crise politique.
Le président bélarusse avait dit fin août que des «spécialistes» travaillent sur cette réforme, qui sera ensuite soumise «au référendum», laissant entendre qu'elle pourrait éventuellement mener à de nouvelles élections.
Dimanche, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Minsk pour le cinquième week-end consécutif afin de réclamer le départ d'Alexandre Loukachenko, 66 ans dont 26 au pouvoir. La mobilisation ne semblait ainsi pas faiblir malgré l'arrestation ou l'exil des principaux opposants.
Pas de soutien plus marqué
Au début de la rencontre à Sotchi, M. Poutine avait dit être «convaincu» qu'avec «l'expérience du travail politique» de M. Loukachenko, le Bélarus «atteindra de nouvelles frontières».
Il ne s'est en revanche pas exprimé en faveur d'un soutien plus marqué au cours de cette conversation initiale de vingt minutes pendant laquelle Alexandre Loukachenko a davantage parlé que son hôte, remerciant M. Poutine «personnellement» et «tous les Russes» de leur appui.
Selon le Kremlin, les deux hommes ont ensuite évoqué, lors d'une discussion «constructive», les relations bilatérales, la coopération économique, ainsi que des questions militaires et d'énergie.
Fidèle à sa nouvelle stratégie consistant à se présenter comme le premier rempart de la Russie face aux Occidentaux, le chef de l'Etat bélarusse a affirmé que les deux pays devaient «préparer (leurs) armées» de sorte que, «Dieu nous en préserve, nous puissions résister» en cas d'attaque militaire.
Virage à 180 degrés
S'il accusait la Russie avant le scrutin de vouloir «déstabiliser» son pays, Alexandre Loukachenko a depuis effectué depuis un virage à 180 degrés pour obtenir le soutien russe face aux manifestations massives, qui font selon lui partie d'un complot occidental.
Vendredi, le Kremlin avait annoncé que cette rencontre servirait aussi à évoquer «les perspectives du processus d'intégration» entre ces deux ex-républiques soviétiques, un projet que Moscou caresse de longue date.
Cheffe de file de l'opposition contrainte à l'exil en Lituanie, Svetlana Tikhanovskaïa avait plus tôt interpellé Vladimir Poutine.
«Je regrette que vous ayez décidé d'avoir un dialogue avec l'usurpateur et non pas avec le peuple bélarusse», a dit celle qui revendique la victoire à la présidentielle du 9 août et qui s'est lancée en politique au printemps après l'arrestation de son mari.
A ses yeux, tout accord russo-bélarusse signé par Alexandre Loukachenko serait «juridiquement non valable» car celui-ci avait été réélu de manière «illégitime».
Un important prêt
Au cours de leur rencontre, M. Poutine a également confirmé un prêt d'un milliard et demi de dollars accordé au Bélarus, dont les difficultés économiques récurrentes ont été amplifiées par la crise du coronavirus.
Une telle assistance permettrait au Kremlin de rappeler la profonde dépendance économique de ce pays à l'égard de son «grand frère». D'autant que des sanctions occidentales sont en cours de préparation du fait des répressions.
Depuis 15 ans, les discussions russo-bélarusses pour une plus grande intégration ont essentiellement permis d'aborder des questions de monnaie unique ou de bases militaires russes sur le territoire voisin, mais M. Loukachenko a jusqu'ici résisté aux ambitions de Moscou, louvoyant entre Est et Ouest et s'en prenant parfois verbalement à la Russie alliée.
Le Conseil des droits de l'Homme (CDH) de l'ONU s'est prononcé lui en faveur d'une réunion d'urgence vendredi sur la situation au Bélarus, du fait des répressions et d'allégations de tortures de détenus.
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