AfghanistanRetour à l'obscurantisme taliban dans les zones conquises
ATS
15.7.2021 - 08:14
Quelques jours après s'être emparés d'un district isolé de la province de Takhar dans le Nord de l'Afghanistan, les talibans ont annoncé dans une lettre à l'imam local les nouvelles règles en vigueur: barbe obligatoire pour les hommes, femmes sous tutelle.
Keystone-SDA
15.07.2021, 08:14
ATS
La lettre «disait que les femmes ne pouvaient aller au marché sans un accompagnateur masculin et que les hommes ne devaient pas raser leur barbe», explique à l'AFP Sefatullah, 25 ans, un habitant du district de Kalafgan, tombé récemment aux mains des insurgés. Fumer est désormais interdit, poursuit-il, et les talibans ont averti qu'ils «s'occuperaient sérieusement» de quiconque violerait ces règles.
Depuis que les forces étrangères ont entamé au début mai leur départ définitif du pays, prévu pour s'achever d'ici à la fin août, les talibans ont pris le contrôle de vastes territoires ruraux dans le pays et de postes-frontières clés avec l'Iran, le Turkménistan et le Tadjikistan.
«L'ordre des talibans nous a terrifiées»
Ils ont notamment pris pied dans certaines zones du nord, comme la province de Takhar, qu'ils n'avaient jamais contrôlées du temps où ils dirigeaient le pays, entre 1996 et 2001 et qui n'avaient donc jamais connu l'interprétation ultra-rigoriste de la charia alors instaurée par les «étudiants en religion».
Le premier poste-frontière important saisi par les insurgés, en juin, a été celui de Shir Khan Bandar, frontalier du Tadjikistan, un axe névralgique pour les relations économiques avec l'Asie centrale.
«Après que Shir Khan Bandar est tombé, les talibans ont ordonné aux femmes de ne pas sortir de leur maison», raconte Sajeda, 24 ans, qui travaillait alors dans une usine de la ville. «Beaucoup de femmes et jeunes filles travaillaient dans la broderie, la couture ou fabriquaient des chaussures [...] L'ordre des talibans nous a terrifiées», dit-elle à l'AFP par téléphone.
Lorsqu'ils étaient au pouvoir, avant d'être renversés à la fin 2001 par une coalition internationale menée par les États-Unis, les talibans ont imposé leur version particulièrement stricte de la loi islamique. Jeux, musique, photographies, télévision étaient interdits. Les voleurs avaient les mains coupées, les meurtriers étaient exécutés en public et les homosexuels tués.
Vice et vertu
Les femmes avaient interdiction de sortir sans un chaperon masculin et de travailler, les filles d'aller à l'école. Les femmes accusées de crimes comme l'adultère étaient fouettées et lapidées à mort.
Les hommes devaient garder une barbe longue, assister aux prières sous peine d'être battus et étaient contraints de porter le vêtement traditionnel.
Cette semaine, un communiqué attribué aux talibans a circulé sur les réseaux sociaux, ordonnant aux villageois de marier leurs filles ou veuves aux combattants du mouvement. Ce texte a fait resurgir le souvenir des édits du ministère pour la promotion de la vertu et la répression du vice qui faisait régner la terreur durant leur régime.
Les talibans, qui veillent à afficher une image plus modérée, à mesure qu'ils étendent leur mainmise et se rapprochent d'une possible nouvelle conquête du pouvoir, ont nié avoir publié ce communiqué, le qualifiant de propagande.
«Nous sommes parties»
«C'est une accusation sans fondement», a déclaré Zabihullah Mujahid, un porte-parole du groupe. «Ce sont des rumeurs propagées à l'aide de faux documents.» Mais des habitants des zones récemment conquises par les talibans confirment qu'ils semblent revenir à leurs vieilles méthodes.
À Yawan, un district de la province du Badakhshan, une autre province où ils n'avaient jamais pris pied, les insurgés ont rassemblé la population locale dans une mosquée à leur arrivée et immédiatement imposé certaines règles strictes.
«Tout le monde doit porter un turban et aucun homme ne peut se raser», rapporte à l'AFP Nazir Mohammad, 32 ans. «Les filles scolarisées au-delà de la sixième année [celles âgées de 11-12 ans, ndlr] ont été interdites de retourner en classe».
Sajeda, a préféré ne pas attendre d'en savoir plus sur les intentions réelles des talibans. Quelques jours après leur arrivée, elle s'est enfuie vers Kunduz, la grande ville du Nord-Est afghan. «Nous n'aurions jamais pu travailler dans un endroit sous le contrôle des talibans», conclut-elle. «Donc, nous sommes parties.»