France Retraites: après le 49.3, dépôt de deux motions de censure

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17.3.2023 - 16:20

Deux motions de censure ont été déposées vendredi pour tenter de renverser le gouvernement français. Elles ont été déposées au lendemain de la décision de l'exécutif d'utiliser le 49.3 pour faire passer la très contestée réforme des retraites.

Les opposants au recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont repris le combat de manière sporadique vendredi.
Les opposants au recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont repris le combat de manière sporadique vendredi.
ATS

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Dans ce climat de crise, le groupe des députés indépendants Liot a déposé vendredi une motion de censure «transpartisane» co-signée par des élus de la Nupes. Cette dernière a davantage de chances d'être votée par des députés de droite défavorables à la réforme des retraites. Mais la barre de la majorité absolue pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre.

Le petit groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot), qui compte 20 députés de diverses tendances politiques, se retrouve ainsi en position de pivot.

«C'est le retour à la IVe République, c'est le plus petit groupe qui se met à avoir le plus d'influence dans un Parlement morcelé», a déploré le député macroniste Jean-René Cazeneuve.

«Le vote de cette motion permettra de sortir par le haut d'une crise politique profonde», a déclaré devant la presse le chef de file du groupe, Bertand Pancher, regrettant que «les collègues de LR ne soient pas signataires».

Une heure après, le Rassemblement national (RN) a déposé à son tour une motion de censure. «Et nous voterons toutes les motions de censure présentées», a souligné la députée Laure Lavalette.

Il faudra attendre au minimum quarante-huit heures pour qu'elles soient débattues.

«La colère monte»

Blocage du périphérique parisien, des gares de Toulon ou de Bordeaux, manifestations... Après des rassemblements de plusieurs milliers de manifestants «révoltés» jeudi, les opposants au recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans ont repris le combat de manière sporadique vendredi, le plus souvent à l'initiative de la CGT.

L'activation jeudi de l'article 49 de la Constitution, qui permet l'adoption d'un texte sans vote, sauf motion de censure, a été ressenti «comme une insulte. On n'a pas été écoutés depuis des semaines, ça a généré pas mal de colère», a déclaré à l'AFP Philippe Melaine, professeur de SVT dans un lycée public à Rennes, où plus de 2000 personnes ont défilé vendredi, dont plusieurs centaines de lycéens.

«On ne se voit pas aller travailler jusqu'à 64 ans, c'est déjà dur d'aller jusqu'à 60 ans», a complété Gulven, infirmier à l'hôpital psychiatrique de Rennes.

A Bordeaux, debout sur les rails ou assis sur les quais de la gare, agitant leurs drapeaux aux couleurs des principaux syndicats, 200 personnes ont crié: «la colère monte».

«Le 49.3 a crispé tout le monde», a déclaré à l'AFP Rémi Vinet, secrétaire général de la CGT Cheminots à Bordeaux, prédisant que cette colère allait «s'étendre à d'autres secteurs à cause de ce 49.3».

Tôt vendredi matin, environ 200 manifestants ont bloqué la circulation pendant une demi-heure sur le périphérique parisien. «On est remonté», a déclaré Soumaya Gentet, de la CGT Monoprix, promettant qu'elle «tiendra jusqu'au retrait».

La CGT a également annoncé la mise en arrêt de la raffinerie TotalEnergie de Normandie dès ce week-end.

Le gouvernement veut éteindre l'incendie

Dépêchés dans les matinales télés et radios vendredi, les poids-lourds du gouvernement ont tenté d'éteindre l'incendie. «Nous avons vocation à continuer de gouverner», a affirmé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran.

De son côté, le ministre du Travail Olivier Dussopt a refusé de présenter le recours au 49.3 comme «un échec». «Il y a un texte et ce texte sera, si la motion de censure est rejetée, mis en oeuvre», a-t-il affirmé.

Jeudi, des milliers de personnes s'étaient rassemblées place de la Concorde lorsqu'Élisabeth Borne a engagé la responsabilité de son gouvernement.

Annonçant 310 arrestations en France, dont 258 à Paris jeudi soir, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé notamment «des effigies brûlées» à Dijon et des «préfectures prises pour cible». Des incidents ont aussi éclaté à Rennes, Nantes, Amiens, Lille, Marseille ou encore Grenoble.

La présidente des députés Renaissance Aurore Bergé a demandé à M. Darmanin de «mobiliser les services de l'État» pour la «protection des parlementaires» de la majorité.

Dans le même temps, l'intersyndicale a appelé à «des rassemblements locaux de proximité» ce week-end, ainsi qu'à une 9e journée de grèves et manifestations jeudi prochain. FO-RATP, premier syndicat chez les conducteurs de métro parisien, a appelé à «une journée noire dans les transports» ce jour-là.

Plusieurs responsables syndicaux, dans les secteurs du transport et de l'énergie, ont mis en garde contre de possibles «débordements» ou «actions individuelles» de salariés de la base.

Règlements de comptes

A l'Assemblée, l'heure est aux règlements de comptes.

D'abord au sein des Républicains, dont les divisions sur ce texte, pourtant façonné par leurs collègues LR du Sénat, ont lourdement pesé sur la décision de l'exécutif. Mais aussi au sein de la majorité, où le 49.3 risque de laisser des traces.

A droite, la posture rebelle du député du Lot Aurélien Pradié, opposé à la réforme et prêt à censurer le gouvernement, achève de semer la pagaille chez les Républicains.

Dans la majorité, l'amertume était palpable. «Il fallait aller au vote vu la teneur de ce texte, vu l'émoi dans le pays», a estimé vendredi le député Modem Erwann Balanant.