France Retraites: blocage à l'Assemblée nationale

ATS

19.2.2020 - 18:50

La situation à l'Assemblée nationale rappelle la paralysie de juillet 2018 lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle, victime collatérale de l'affaire Benalla.
La situation à l'Assemblée nationale rappelle la paralysie de juillet 2018 lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle, victime collatérale de l'affaire Benalla.
Source: KEYSTONE/EPA/JULIEN DE ROSA

L'examen de la réforme des retraites vire au blocage à l'Assemblée nationale: au troisième jour des débats mercredi, les rappels au règlement et suspensions se succédaient dans une grande tension, empêchant toute avancée des travaux sur les milliers d'amendements.

Le ton a été donné dès l'ouverture de la séance à 15h00, avec des rappels au règlement du parti Les Républicains (LR, droite) réclamant des éclairages sur le financement de la réforme, et de la gauche dénonçant les règles en vigueur pour l'examen des 41'000 amendements.

Dans une atmosphère houleuse, les trois groupes de gauche – PS, PCF et LFI – ont contesté les mesures prises la veille en conférence des présidents de l'Assemblée pour quadriller le débat, prévoyant notamment un seul orateur sur les amendements identiques.

Pour la gauche, il est en particulier inacceptable que des amendements placés à différents endroits du texte tombent au motif qu'ils auraient le même objet. «C'est grave ce qui se passe», a lancé le communiste Sébastien Jumel, y voyant «une nouvelle arme pour museler le Parlement».

Suspensions à répétition

Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand (LREM), a défendu l'application d'une «règle constante» et exclu toute nouvelle conférence des présidents au motif que «les humeurs changeraient». Le patron de LR Christian Jacob est lui aussi intervenu, affirmant qu'avec une telle règle «on arrive à quelque chose de ridicule».

Plusieurs suspensions de séance ont suivi, entrecoupées de l'examen d'une poignée d'amendements, rappelant la paralysie de juillet 2018 lors de l'examen du projet de révision constitutionnelle, victime collatérale de l'affaire Benalla.

Les communistes, qui ont demandé comme la veille une vérification du quorum, ont vite épuisé leur quota de suspensions et ont donc demandé un vote pour interrompre momentanément les travaux.

Et lors d'une des multiples pauses, à la veille d'une nouvelle journée interprofessionelle de mobilisation, plusieurs insoumis et communistes ont entonné le chant des gilets jaunes «on est là».

«Concours Lépine de l'obstruction»

«Quelle image donnons-nous de nos travaux? C'est de l'antiparlementarisme de base», s'est offusqué le co-rapporteur Nicolas Turquois (MoDem), applaudi debout par la majorité.

Sur Twitter, des élus disaient leur «honte» que l'Assemblée «se transforme en cirque» ou déploraient " un concours Lépine de l'obstruction désolant». La veille déjà, certains s'étaient dits «consternés», dénonçant des «manoeuvres dilatoires» des oppositions.

Dénonçant les stratégies visant à «bordéliser la séance», le rapporteur général Guillaume Gouffier-Cha (LREM) a aussi dit devant la presse l'envie des «marcheurs» d'entrer dans le dur du texte «le plus rapidement possible».

Depuis lundi, les débats patinent sur cette réforme visant à créer un système «universel» de retraites par points. Après de longues discussions sur le titre même du projet de loi, les députés n'ont pas encore entamé l'examen de l'article 1er, consacré aux «principes généraux» et qui fait l'objet à lui seul de plus de 1700 amendements.

Spectre du «49-3»

Dans l'espoir que le calendrier puisse tenir, les députés siégeront au moins jusqu'au 6 mars, avec des travaux ce week-end. Le spectre de l'utilisation du «49-3», arme de la Constitution qui permet au gouvernement d'abréger les débats et de faire adopter un projet de loi sans vote, plane.

«Pompiers pyromanes. Ceux-là même qui étouffent le débat sous des dizaines de milliers d'amendements sont les mêmes qui crieront au scandale en cas de blocage et de 49.3», a twitté la députée LREM Olivia Grégoire.

Le recours au «49-3», serait-il une défaite? «Pas du tout», a répondu son collègue Florian Bachelier devant l'Association des journalistes parlementaires. «Il ne faut pas que la majorité s'enferme dans le piège tendu par l'extrême gauche» et «chacun prendra ses responsabilités».

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