BougainvilleRio Tinto va évaluer les ravages de son ancienne mine de Panguna
afp
21.7.2021 - 15:13
Keystone-SDA, afp
21.07.2021, 15:13
21.07.2021, 15:52
ATS
Rio Tinto va se pencher sur l'héritage environnemental et humain de la gigantesque mine de Panguna, sur l'île papouasienne de Bougainville. Le groupe anglo-australien est accusé de s'être soustrait à ses responsabilités dans le nettoyage des déchets toxiques du site.
La multinationale a fait état d'un accord pour ouvrir une enquête sur cette mine de cuivre et d'or qui a été au coeur de la sanglante guerre civile à Bougainville dans les années 1980 et 1990, et continue, selon les habitants de la zone, de polluer les cours d'eau voisins plus de trois décennies après sa fermeture.
Panguna, qui fut un temps la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert du monde, représenta à elle seule jusqu'à 40% des exportations papouasiennes. Elle a été en activité de 1972 à 1989.
Les dégâts environnementaux provoqués par l'activité minière et l'absence de retombées financières furent à l'origine de vives protestations au sein de la population.
Les revendications concernant cette mine avaient provoqué les premiers accrochages entre armée et rebelles sécessionnistes. La guerre civile qui suivit fit 20'000 morts et reste à ce titre le conflit le plus sanglant dans le Pacifique depuis la Seconde Guerre mondiale.
Fleuves empoisonnés
Sous pression d'organisations de défense des droits de l'Homme, Rio Tinto a annoncé qu'il chercherait à «identifier et évaluer les impacts» de la mine.
«C'est un premier pas important vers l'ouverture d'un dialogue avec ceux qui ont été impactés par l'héritage de la mine de Panguna», a déclaré le directeur général du groupe Jakob Stausholm.
«Nous prenons ce sujet très au sérieux et sommes déterminés à identifier et évaluer le rôle que nous avons pu avoir dans tout impact négatif.»
Dans un premier temps, Rio Tinto va financer un panel indépendant d'experts internationaux pour évaluer cet impact.
Cette annonce devrait galvaniser les organisations militant pour la création d'un fonds de dédommagement pour les victimes et pour la restauration des lieux.
Le coût des travaux de nettoyage du site est généralement estimé à un milliard de dollars.
«C'est une journée tellement importante pour les villages de Bougainville», a déclaré Theonila Roka Matbob, une responsable politique locale. «Pendant de nombreuses années, la mine de Panguna a empoisonné nos fleuves avec le cuivre. Nos enfants sont malades de la pollution.»
«Une avancée majeure»
Le Centre juridique pour les droits de l'Homme de Melbourne, qui avait centralisé les plaintes de plus de 150 habitants de Bougainville, a vu dans cette annonce «une avancée majeure».
Il a promis de «s'assurer que l'évaluation débouche sur une action rapide de Rio Tinto pour s'occuper de son leg désastreux sur l'île de Bougainville.»
Un cessez-le-feu était intervenu en 1998 puis un accord qui a permis la tenue, en 2019, d'un référendum au cours duquel 98% des électeurs de l'île du Pacifique se sont prononcés en faveur de l'indépendance. Bougainville jouit d'une autonomie depuis 2005.
Les dirigeants de Bougainville ont fixé à 2027 la date limite pour obtenir l'indépendance totale et quitter le giron de la Papouasie Nouvelle-Guinée.
En 2016, Rio Tinto avait cédé le contrôle de ses parts dans la mine de Panguna aux gouvernements de Papouasie et de Bougainville. La population avait alors accusé le groupe minier de chercher à échapper aux coûts du nettoyage du site.
Keren Adams, du Centre juridique pour les droits de l'Homme, avait comparé l'inaction de Rio à Panguna au dynamitage en mai 2020, par le même groupe, du site de Juukan Gorge, situé en Australie occidentale, et qui fut habité par des Aborigènes il y a plus de 46'000 ans.