Il était apparu trop technocrate, trop timoré, voire, pour certains, trop lisse. Battu l'été dernier par Liz Truss, Rishi Sunak tient sa revanche: il a écrasé lundi toute concurrence et s'apprête à devenir le chef du gouvernement britannique, le premier non-blanc à accéder à ce poste.
Keystone-SDA, vey
24.10.2022, 15:36
24.10.2022, 16:16
ATS
Le succès de Rishi Sunak couronne une ascension météorique au sein du Parti conservateur. Elu député du Yorkshire (nord de l'Angleterre) en 2015, il accède à peine cinq ans plus tard, à 39 ans, au poste très convoité de ministre des Finances, peu avant l'arrivée du Covid-19.
Ce partisan de la première heure du Brexit gagne alors en popularité en distribuant des milliards de livres d'aides publiques pendant la pandémie.
Mais sa fortune, amassée au cours de sa carrière dans la finance et via son mariage avec Akshata Murty, fille d'un multimilliardaire indien, indispose parfois, quand les Britanniques se serrent la ceinture. Comme cette vidéo, qui ressort régulièrement, où, jeune, il admet en riant ne pas avoir d'amis issus de la classe ouvrière.
Ces dernières années, ses coûteux costumes – toujours impeccables – et gadgets ou son train de vie dans une opulente villa de sa circonscription, ont fait régulièrement grincer des dents.
Face à ces critiques, ce fan de la saga Star Wars raconte volontiers son histoire familiale, une success story comme les conservateurs les aiment.
Grands-parents immigrés
Né le 12 mai 1980 à Southampton, sur la côte sud de l'Angleterre, Rishi Sunak est l'aîné de trois enfants et le fils d'un médecin généraliste du système de santé public et d'une pharmacienne. Nés en Inde ou d'origine indienne, ses grands-parents ont émigré d'Afrique orientale vers le Royaume-Uni dans les années 1960.
«Ma famille a émigré ici il y 60 ans. (Ma mère) tenait la pharmacie locale de Southampton. C'est là que j'ai grandi, dans la boutique, livrant les médicaments. J'ai travaillé en tant que serveur au restaurant indien au bout de la rue», a-t-il raconté pendant la dernière campagne. «Je suis ici grâce au dur labeur, au sacrifice et à l'amour de mes parents».
Rishi Sunak a toutefois très vite accédé à l'élite en fréquentant le Winchester College, un très chic pensionnat pour garçons. Il a ensuite étudié la politique, la philosophie et l'économie dans les prestigieuses universités d'Oxford, en Angleterre, et de Stanford, aux Etats-Unis.
Avant d'entrer en politique, il a travaillé dans la finance, en particulier chez Goldman Sachs, et fondé sa propre société d'investissement.
Ce père de deux filles a prêté serment sur la Bhagavad Gita, un texte sanskrit considéré comme l'un des écrits fondamentaux de l'hindouisme, quand il a été élu député. Il accède à Downing Street en plein Diwali, la fête hindoue des lumières célébrant l'arrivée de l'automne.
Femme milliardaire
Son épouse, une femme d'affaires indienne ultra fortunée, Akshata Murty, s'était retrouvée sous les feux des projecteurs en avril dernier, révélant le train de vie du couple en pleine crise du pouvoir d'achat au Royaume-Uni.
Considérée par le fisc britannique comme une personne «non domiciliée» au Royaume-Uni, les revenus d'Akshata Murty, issus de l'étranger, n'étaient donc pas taxés. Ce statut, parfaitement légal, faisait tache, en pleine crise du pouvoir d'achat, alimentant les critiques qui visaient déjà son époux, très réticent à aider davantage les ménages.
Après avoir été vivement critiquée en raison des millions économisés en impôts grâce à ce statut, l'épouse de Rishi Sunak, alors ministre britannique des Finances, avait aussitôt annoncé que ses revenus à l'étranger seraient désormais imposés au Royaume-Uni.
«Je le fais parce que je le souhaite, non pas parce que la règlementation m'y oblige», avait-elle souligné.
Une éducation stricte
A 42 ans, Akshata Murty détient des parts valant près d'un milliard de dollars dans l'entreprise Infosys, géant indien des technologies co-fondé par son père N.R. Narayana Murthy en 1981 et dont la valeur est aujourd'hui estimée à 100 milliards de dollars.
Cela représente une fortune plus importante que celle de la défunte reine Elizabeth II, qui se chiffrait à quelque 350 millions de livres (420 millions d'euros), selon le journal britannique The Sunday Times.
Akshata a grandi à Bangalore, avec son richissime père, sous l'éducation stricte de sa mère Sudha Murty, première femme à être nommée ingénieure au sein du groupe automobile Tata Motors.
Elle interdit à Akshata et son frère Rohan la télévision à la maison et les force à se rendre à l'école en rickshaw, comme tous leurs autres camarades de classe.
Considérée par certains comme «la grand-mère préférée des Indiens», Sudha Murty, 72 ans, également autrice prolifique, a permis la construction de 60'000 bibliothèques en Inde.
«Mes parents nous ont élevés, mon frère et moi, avec de fortes valeurs philanthropiques, et le travail bénévole dans des zones défavorisées m'a permis de découvrir les défis auxquels sont confrontées les femmes en Inde», a raconté Akshata Murty.
Etudes américaines
Elle est partie en 1998 étudier l'économie aux Etats-Unis, d'abord au Claremont McKenna College à Los Angeles, en Californie.
Akshata Murty et Rishi Sunak se rencontrent quelques années plus tard dans la prestigieuse université de Stanford, en Californie, où tous deux préparent un master en business. Lui, issu d'un milieu modeste, bénéficie d'une bourse.
Dans la société indienne hiérarchisée, les parents d'Akshata Murty accepteront qu'elle épouse ce simple fils de médecin, originaire de Southampton, dans le sud de l'Angleterre.
Son père Narayana Murthy donnera son assentiment au projet de mariage de sa fille, dans laquelle il admet que Rishi Sunak correspond en tout point à sa description: «brillant, beau et surtout honnête».
Le couple, qui a deux filles Anoushka et Krishna, est propriétaire d'au moins quatre biens immobiliers, dont une maison dans le quartier huppé de Kensington, à Londres, d'une valeur de 7 millions de livres (7,9 millions de dollars) et un appartement à Santa Monica, en Californie.