Malgré le mandat d'arrêt Fanfare et tapis rouge: Poutine reçu en grande pompe en Mongolie

ATS

3.9.2024 - 09:07

Fanfare et tapis rouge: Vladimir Poutine a été reçu en grande pompe mardi en Mongolie, sa première visite dans un pays membre de la Cour pénale internationale (CPI) depuis l'émission d'un mandat d'arrêt à son encontre.

Vladimir Poutine a été reçu avec faste en Mongolie.
Vladimir Poutine a été reçu avec faste en Mongolie.
ATS

Keystone-SDA

Arrivé lundi soir dans la capitale mongole Oulan-Bator, le président russe a été accueilli par la garde d'honneur, sans être arrêté à sa descente d'avion.

Son déplacement apparaît comme un acte de défiance envers la CPI, l'Ukraine en guerre, ainsi que plusieurs pays occidentaux et organisations de défense des droits humains qui avaient demandé son arrestation.

Vladimir Poutine a été reçu mardi par son homologue mongol Ukhnaa Khurelsukh lors d'une fastueuse cérémonie organisée sur l'imposante place Gengis Khan d'Oulan-Bator.

Une fanfare a interprété des airs militaires et les hymnes nationaux russe et mongol devant les deux dirigeants, debout près de soldats mongols en tenue traditionnelle.

Aux côtés d'Ukhnaa Khurelsukh, Vladimir Poutine a ensuite salué «l'attitude respectueuse» de la Mongolie envers leur «héritage historique commun» et assuré que les deux pays avaient des «positions proches» sur «de nombreuses questions d'actualité internationale».

Le président russe est visé depuis mars 2023 par un mandat d'arrêt pour des suspicions de déportation illégale d'enfants ukrainiens vers la Russie. La Mongolie, membre de la CPI, était donc tenue de l'arrêter.

«Aujourd'hui, Poutine a humilié la Mongolie en l'utilisant avec cynisme comme monnaie d'échange dans son jeu géopolitique», a réagi sur X le procureur général d'Ukraine, Andriï Kostine.

«Assurer la sécurité d'un criminel sape l'essence même du système judiciaire mondial et enfreint sérieusement les valeurs des pays démocratiques. En refusant d'arrêter Poutine, la Mongolie a délibérément mis à mal son statut international», a-t-il estimé.

Pour sa part, l'Union européenne a dit «regretter» que la Mongolie n'ait pas respecté ses obligations en exécutant le mandat d'arrêt, selon un communiqué.

Washington s'est montré plus circonspect, disant s'attendre à ce que la Mongolie «respecte ses obligations» internationales, tout en disant «comprendre» que le pays est pris «en sandwich entre ses deux gros voisins».

Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken s'était rendu en Mongolie début août pour y apporter le soutien des Etats-Unis à ce partenaire «central».

«Immoral»

La CPI, basée à La Haye, aux Pays-Bas, avait rappelé que ses pays membres ont l'"obligation» d'interpeller les individus visés par un mandat d'arrêt. Mais dans les faits, d'éventuelles sanctions se limitent essentiellement à une remontrance verbale.

Dans les rues d'Oulan-Bator, Altanbayar Altankhuyag, un économiste de 26 ans, déclare à l'AFP qu'il aurait été «immoral et inapproprié» d'arrêter M. Poutine durant sa visite.

Démocratie enclavée entre les deux pays autoritaires que sont la Russie et la Chine, la Mongolie conserve des liens étroits avec Moscou depuis la chute de l'Union soviétique en 1991.

Ex-pays satellite de l'URSS, elle n'a pas condamné l'invasion russe en Ukraine et s'est abstenue lors des votes sur ce conflit à l'ONU.

Le Kremlin avait assuré la semaine dernière n'avoir «pas d'inquiétude» quant à une éventuelle arrestation du président russe en Mongolie.

«Il est évident qu'il n'y avait aucune chance d'arrêter M. Poutine», déclare à l'AFP l'analyste politique Bayarlkhagva Munkhnaran.

«Pour Oulan-Bator, le scandale actuel lié au mandat d'arrêt de la CPI n'est qu'une question secondaire par rapport à la nécessité de maintenir des relations sûres et prévisibles avec le Kremlin.»

Manifestants interpellés

Lundi après-midi, une poignée de manifestants ont exprimé leur mécontentement à Oulan-Bator, certains brandissant une banderole où était écrit «Faites partir le criminel de guerre Poutine».

Mais les forces de l'ordre ont empêché mardi une autre manifestation.

«Nous avons essayé de manifester contre le criminel de guerre Poutine, mais nous avons été détenus illégalement pendant cinq heures», a déclaré à l'AFP Tsatsral Bat-Ochir, membre de l'organisation NoWar movement, opposé à l'invasion russe en Ukraine.

Selon un responsable de la police, N. Batbayar, des manifestants ont été interpellés pour avoir voulu pénétrer dans une «zone de sécurité» autour du parcours de Vladimir Poutine, précisant qu'il «ne s'agissait pas d'arrestations».

La visite de Vladimir Poutine coïncide avec le 85ème anniversaire de la victoire des forces mongoles et soviétiques contre le Japon.

Avant son voyage, le dirigeant russe avait vanté les «projets économiques et industriels prometteurs» entre les deux pays, dans un entretien avec le journal mongol Unuudur.

Parmi ces projets: la construction d'un gazoduc trans-Mongolie reliant la Chine et la Russie, a-t-il cité.

Le gouvernement mongol n'a fait aucun commentaire sur une éventuelle arrestation du dirigeant russe.

Mais, sur les réseaux sociaux, un porte-parole du président a démenti des informations de presse selon lesquelles la CPI aurait envoyé un courrier demandant aux autorités locales de mettre le mandat d'arrêt à exécution lors de cette visite.