«Bureaucrates idiots» Tollé : un ancien shérif américain cible les élections allemandes pour Moscou

ATS

19.2.2025 - 07:49

Ancien shérif-adjoint américain réfugié en Russie, John Mark Dougan est devenu le troll en chef d'un large réseau de sites de propagande qui cible, à grand renfort d'intelligence artificielle, les élections législatives allemandes pour le compte du Kremlin, selon des chercheurs spécialisés dans la désinformation.

Un ancien shérif-adjoint américain réfugié en Russie est devenu le troll en chef d'un large réseau de sites de propagande (image d’illustration).
Un ancien shérif-adjoint américain réfugié en Russie est devenu le troll en chef d'un large réseau de sites de propagande (image d’illustration).
IMAGO/Sipa USA Collection

Keystone-SDA

Après avoir déjà sévi pendant les élections américaines de 2024, l'ex-Marine, qui s'était exilé en Russie pour échapper à des poursuites pour extorsion, a eu recours ces dernières semaines aux mêmes recettes pour parasiter la campagne des élections législatives qui s'achève dimanche, affirment l'organisation américaine Newsguard et le média allemand Correctiv.

Selon leur enquête, grâce à plus d'une centaine de faux sites de médias allemands alimentés en articles par l'IA, le réseau de Dougan a notamment promu des contenus anti-immigration ou eurosceptiques favorables au parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD).

Mêmes tactiques

Le réseau s'attaque aussi aux partis qui soutiennent l'Ukraine et l'OTAN, expliquent Newsguard et Correctiv. Son site «Echo der Zeit» est ainsi derrière des fausses accusations d'agression sexuelle visant le candidat écologiste Robert Habeck.

L'analyste de Newsguard McKenzie Sadeghi pointe des similitudes évidentes avec les attaques en 2024 contre le candidat américain à la vice-présidence Tim Walz, accusé sans fondement d'agression sexuelle sur une étudiante. «Dougan recycle en Allemagne les mêmes tactiques qu'il a utilisées dans sa campagne de désinformation lors de l'élection américaine», souligne-t-elle auprès de l'AFP.

«Le cas de Dougan démontre que le Kremlin utilise de plus en plus des ressortissants non russes et des fugitifs occidentaux pour diffuser de la propagande, en dissimulant son implication directe», ajoute-elle.

Une autre fausse information colportée par le réseau de Dougan a prétendu que l'Allemagne prévoirait de faire venir 1,9 million de travailleurs kényans. Elle avait aussi été largement diffusée sur des sites d'actualités africains, selon une vieille tactique utilisée pour masquer les origines russes de la désinformation, relève Sadeghi.

Figure de proue

Les auteurs du rapport citent également l'exemple d'un prétendu scandale de corruption de 100 millions d'euros à propos de toiles manquantes au musée d'art Gemäldegalerie de Berlin, qui cherchait à atteindre des politiques allemands, tels que M. Habeck et la députée écologiste Claudia Roth.

L'ancien shérif adjoint de Floride conteste les accusations des chercheurs qui sont, selon lui, «inventées». «En fait, je trouve que le gouvernement russe est plutôt inutile pour quoi que ce soit. C'est une bande de bureaucrates idiots qui ne font jamais rien. Donc, je ne sais pas pourquoi tout le monde pense que je travaille pour eux», a-t-il répondu à NewsGuard dans un message écrit le mois dernier.

Mais des documents des services secrets européens cités par le Washington Post décrivent Dougan comme un propagandiste du Kremlin payé directement par le renseignement militaire russe (GRU).

Et le géant de la technologie Microsoft, plusieurs médias américains et le collectif russophone de lutte contre la désinformation Projet Gnida ont pointé la participation de Dougan à l'opération de propagande russe Storm-1516. «John Dougan joue le rôle de figure de proue dans cette opération», a assuré à l'AFP Alex Liberty, du Projet Gnida.

Nuances culturelles

Les services de sécurité allemands ont averti que la Russie et ses sympathisants pourraient intensifier leurs interférences pour renforcer les extrêmes et semer le doute sur le processus démocratique.

Le ministère de l'intérieur allemand a même mis en place un groupe de travail pour prendre «les mesures de protection nécessaires» contre toute désinformation, sabotage, espionnage et cyberattaques.

McKenzie Sadeghi relativise toutefois la portée des efforts de désinformation en Allemagne du réseau Dougan, moins efficaces, selon elle, que ses campagnes aux États-Unis, où ses fausses nouvelles recueillaient des dizaines de millions de vues et visaient des politiques de haut niveau.

«Le manque apparent de familiarité de Dougan avec les nuances culturelles et politiques allemandes, combiné à un plan d'action qui a été maintes fois dévoilé, a rendu ses campagnes plus faciles à identifier et à rejeter», estime l'analyste de Newsguard.