Pouvoir des réseaux L'UE «perplexe» face au blocage de Trump par Twitter

AFP

11.1.2021 - 11:43

Le commissaire européen Thierry Breton a exprimé sa «perplexité» lundi après la décision des plateformes de bannir le président américain Donald Trump des réseaux sociaux «sans contrôle légitime et démocratique», soulignant qu'elle justifiait les projets européens de régulation des géants du numérique.

Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton à Bruxelles le 15 décembre 2020
Le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton à Bruxelles le 15 décembre 2020
POOL/AFP

Le commissaire européen Thierry Breton a exprimé sa «perplexité» lundi après la décision des plateformes de bannir le président américain Donald Trump des réseaux sociaux «sans contrôle légitime et démocratique», soulignant qu'elle justifiait les projets européens de régulation des géants du numérique.

«Qu'un PDG puisse débrancher le haut-parleur du président des États-Unis sans autre forme de contrôle et de contre-pouvoir fait plus qu'interpeller», juge le commissaire au Marché intérieur dans une tribune publiée par le Figaro et le site américain Politico.

Thierry Breton souligne que les plateformes «ne pourront désormais plus se dérober à (leur) responsabilité» sur leurs contenus. 

Un «après-8 janvier 2021»

«Tout comme le 11 Septembre a marqué un changement de paradigme pour les États-Unis, voire le monde, il y aura, s'agissant des plateformes numériques dans notre démocratie, un +avant et un après+ le 8 janvier 2021», date à laquelle Twitter a suspendu de façon permanente le compte de Donald Trump, deux jours après les émeutes de ses partisans qui ont envahi le Capitole pendant plusieurs heures, affirme l'ancien ministre français de l'Economie. 

Le 7 janvier, Facebook et d'autres services comme Snapchat ou Twitch ont aussi suspendu le profil du locataire de la Maison Blanche pour une durée indéterminée.

«Cette date restera comme la reconnaissance par les plateformes de leur responsabilité éditoriale et des contenus qu'elles véhiculent. Une sorte de 11 Septembre de l'espace informationnel», poursuit-il.

«Cette réaction sans précédent des plateformes en réponse aux attaques du symbole de la démocratie américaine laisse cependant perplexe: pourquoi n'ont-elles pas réussi à bloquer plus tôt les +fake news+ et les discours de haine qui ont conduit à l'attaque de mercredi dernier?», interroge Thierry Breton. «Pertinente ou non, la décision de censurer un président en exercice peut-elle être décidée par une entreprise sans contrôle légitime et démocratique?»

Règles à fixer

Pour Thierry Breton, qui a présenté mi-décembre les projets européens de législation -le Règlement sur les services numériques (DSA en anglais) et le Règlement sur les marchés numériques (DMA)- pour tenter de mettre fin aux dérives des géants du numérique accusés d'abuser de leur pouvoir, «ces événements démontrent que nous ne pouvons plus rester les bras croisés et nous fier à la seule bonne volonté des plateformes».

«Nous devons fixer les règles du jeu et organiser l’espace informationnel avec des droits, obligations et garanties clairement définis», a-t-il dit. «L'Union européenne et la nouvelle Administration américaine auront intérêt à unir leurs forces, en alliés qu’elles sont du monde libre», a exhorté le commissaire.

La France parle d'«oligarchie digitale»

Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire a critiqué lundi la décision du réseau social Twitter de fermer le compte du président américain Donald Trump, estimant que ce n'est pas aux géants d'internet de réguler l'espace numérique.

«Ce qui me choque c'est que ce soit Twitter qui ferme parce que la régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l'oligarchie numérique elle-même», a déclaré le ministre sur France Inter, alors que cette décision suscite de nombreuses réactions dans la classe politique française.

«L'oligarchie digitale est une des menaces qui pèsent sur les Etats et les démocraties», a poursuivi le ministre, dont le pays a été l'un des premiers à mettre en place une taxe sur le chiffre d'affaires des géants du numérique.

«La régulation des géants du digital ne peut pas et ne doit pas se faire par les géants du digital, elle est nécessaire, mais elle doit se faire par le peuple souverain, par les Etats et par la justice», a martelé Bruno Le Maire, qui critique régulièrement le pouvoir selon lui exorbitant des Gafa (acronyme désignant Google, Amazon, Facebook et Apple).

Nouveaux risques d'incitations à la violence?

Twitter a justifié cette décision à l'endroit du président américain sortant par le «risque de nouvelles incitations à la violence», deux jours après l'irruption brutale de partisans du président au Capitole. Facebook et d'autres services comme Instagram, Snapchat ou Twitch ont de leur côté suspendu pour une durée indéterminée le profil du locataire de la Maison Blanche.

En France, cette décision a été très critiquée, de Jean-Luc Mélenchon, chef de file de la France insoumise, qui a estimé que «le comportement de Trump ne peut servir de prétexte pour que les Gafa s'arrogent le pouvoir de contrôler le débat public», à Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national, qui y a vu un «véritable coup de force démocratique de la part de grands groupes privés».

  

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