Plusieurs hommages ont été rendus samedi par les autorités à Paris et Saint-Denis pour commémorer les attentats du 13 novembre 2015. L'atmosphère était hautement symbolique, au moment où le procès éprouve les victimes et façonne la mémoire collective de ces attaques.
Accompagné notamment de la maire de Paris Anne Hidalgo, le premier ministre Jean Castex a entamé la tournée d'hommages par un dépôt de gerbe suivi d'une minute de silence devant le Stade de France, avant de prendre la direction des terrasses de cafés et du Bataclan à Paris, où des commandos téléguidés par le groupe Etat islamique (EI) avaient tué 130 personnes et fait plus de 350 blessés en 2015, semant l'effroi dans le pays.
De son côté, la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris, qui achève samedi une visite de quatre jours en France, a déposé peu après midi un bouquet de fleurs blanches en face de la terrasse du bar Le Carillon. Elle a ensuite traversé la rue pour entrer brièvement dans l'établissement.
Cette série d'hommages s'achèvera en soirée avec la minute de silence qui doit être observée juste avant le coup d'envoi du match France-Kazakhstan (20h45) au Stade de France.
Le procès en même temps
Devant le Bataclan, les rescapés et les proches des victimes ont écouté avec émotion résonner sous la grisaille le nom de chacune des 90 personnes qui ont péri dans la salle de concert.
Après une cérémonie sans public en 2020 à cause de la pandémie, la commémoration paraît plus importante que jamais, en parallèle d'un procès historique qui ravive depuis septembre avec force détails le souvenir de l'attaque terroriste la plus meurtrière jamais commise en France.
«L'année dernière, on nous a interdit de venir et on l'a tous très mal vécu. Cette année, il y a un vrai besoin de se retrouver, renforcé par le procès», lâche un témoin devant Le Bataclan.
«On a créé de vrais liens grâce au procès», poursuit ce rescapé. «Lors des commémorations précédentes, on se croisait de loin sans trop oser se parler, il y avait une vraie timidité. Les passages à la barre ont tout bouleversé.»
Trouble de stress post-traumatique, culpabilité du survivant, décalage persistant avec le reste de la société... Pendant un mois, les témoignages des victimes et de leurs proches ont révélé les cicatrices indélébiles et l'ampleur des dégâts psychologiques de ces attentats sur des centaines de vies brisées.
Pour affronter le reste de l'audience, qui doit se poursuivre jusqu'à fin mai, «les gens sentent qu'il faut se serrer les coudes», résume Arthur Dénouveaux, le président de l'association de victimes Life for Paris.
«Marqueur»
Cette année, son association enregistre une cinquantaine de participants supplémentaires à la cérémonie qu'elle organise à la mairie du 11e arrondissement, après les différents hommages. L'autre organisation de victimes, 13onze15 Fraternité et vérité a elle aussi recensé plus d'inscrits qu'à l'habitude pour le déjeuner post cérémonie officielle.
Cette année, «la commémoration fait figure de marqueur du grand récit partagé qui se construit actuellement au procès», observe l'historien Denis Peschanski, co-responsable du «Programme 13-Novembre», un vaste projet de recherche qui étudie l'évolution de la mémoire des attentats sur dix ans.
L'audience et sa retranscription dans la presse «influencent la mémoire collective des Français» et a permis «de compléter le puzzle avec des morceaux qu'on ne connaissait pas encore», constate-t-il.
Six ans après ces attentats, la menace terroriste reste très élevée en France, mais prend désormais de nouvelles formes. Comme l'ont montré les assassinats d'une fonctionnaire de police en avril à Rambouillet (Yvelines), ou de l'enseignant Samuel Paty en octobre 2020, elle est désormais portée par des assaillants plus «autonomes» dont le lien avec les organisations terroristes s'est largement distendu.