Pas chauds Un troisième enfant? En Chine, c'est «non merci»

ATS

3.6.2021 - 07:43

Manque d'argent, trop de travail ou tout simplement préférence pour la vie à deux: la plupart des jeunes Chinois n'ont guère envie d'avoir trois enfants, malgré le feu vert donné lundi par les autorités. Cette décision vise à faire face au vieillissement de la population.

Le parti communiste autorise depuis lundi trois enfants pour tous les couples, quelques semaines après les résultats inquiétants du dernier recensement décennal. (image d'illustration)
Le parti communiste autorise depuis lundi trois enfants pour tous les couples, quelques semaines après les résultats inquiétants du dernier recensement décennal. (image d'illustration)
KEYSTONE

À partir de la fin des années 1970, la politique de limitation des naissances a imposé pendant des décennies l'enfant unique pour les couples, avec des exceptions pour les minorités ethniques et les ruraux. Mais face au vieillissement de la population, les restrictions se sont progressivement desserrées.

Le parti communiste autorise depuis lundi trois enfants pour tous les couples, quelques semaines après les résultats inquiétants du dernier recensement décennal.

Entre trains électriques et ours en peluche géants, deux garçonnets écument les rayons d'un magasin de jouets de Pékin, pendant que les parents discutent des nouvelles dispositions du pouvoir, accueillies souvent par des commentaires moqueurs sur les réseaux sociaux.

Manque d'argent

«Nous n'avons pas tellement d'argent pour élever les enfants ni beaucoup de place à la maison», explique le jeune père, Yang Shengyi. «Alors, il n'y a aucune raison d'avoir un troisième enfant».

M. Yang et son épouse font déjà figure d'exception au pays de l'enfant unique, où le deuxième nouveau-né n'a été autorisé pour tous les couples qu'en 2016 sans faire pour autant remonter la natalité. «Quand notre deuxième enfant est arrivé, il a soudain fallu tout diviser par deux. Là où on aurait pu donner 100%, on a dû réduire à 50%», explique le père de 29 ans.

Pour nombre de ses compatriotes, la perspective d'un seul enfant, voire d'un mariage, relève de l'impensable. La vie moderne impose de longs horaires de travail ou de transport et des coûts élevés pour se loger et élever les enfants. Le changement est radical dans un pays où traditionnellement les enfants se devaient d'assurer la lignée de leurs ancêtres.

Mais les jeunes d'aujourd'hui «se moquent de transmettre leur nom de famille. Pour eux, c'est la qualité de vie qui compte», relève Yan Jiaqi, une étudiante de 22 ans. «Beaucoup de femmes de mon entourage répugnent à la simple idée d'avoir un enfant. Alors trois, vous pensez...»

«996» contre «petit empereur»

L'enfant unique a donné l'habitude aux parents de se consacrer entièrement à leur «petit empereur», avec des week-ends dévorés par les cours d'anglais ou de musique, dans la perspective de réussir très tôt dans l'existence.

La pression est lourde pour des parents, qui, parce qu'ils sont eux-mêmes enfants uniques, sont souvent seuls à devoir s'occuper de leurs propres parents vieillissants, sans pouvoir compter sur des frères et soeurs, oncles ou tantes.

«Les jeunes sont sous forte pression», témoigne une jeune femme rencontrée à Shanghaï. «Ils n'ont pas le temps de s'occuper de leurs enfants à cause du travail et s'ils veulent s'occuper de leurs enfants à plein temps, alors ils n'ont pas de travail».

Dans les entreprises technologiques, il n'est pas rare de devoir travailler six jours par semaine, de 09h00 du matin à 09h00 du soir, un «996» décrié dans les médias, mais défendu par certains patrons.

Trop tard?

Alors que le taux de fécondité est tombé à 1,3 enfant par femme en âge de procréer, très en deça du seuil de renouvellement des générations, le régime communiste a promis des mesures dans l'éducation et la santé pour inciter les familles à s'agrandir. Mais sans donner de détails.

S'il veut vraiment relancer la natalité et assurer le financement des retraites, l'exécutif chinois ne doit pas se contenter d'assouplir les règles, observe le démographe Yi Fuxian, de l'université Wisconsin-Madison aux Etats-Unis.

«Avoir un seul enfant ou même pas d'enfant du tout est devenu la norme en Chine», note-t-il. Permettre un troisième enfant «arrive trop tard» et le seul espoir de la Chine est de copier la politique suivie au Japon: «santé et éducation gratuites, allocations logement pour les jeunes couples».