Premier ministre «de fer»?Une course à Downing Street dans l'ombre de Thatcher
ATS
2.9.2022 - 07:49
Délogée du pouvoir il y a plus de 30 ans, décédée il y a près de 10 ans, Margaret Thatcher a été omniprésente dans la course à Downing Street. Cette présence reflète l'admiration encore vouée à la «Dame de fer» au sein du Parti conservateur britannique.
02.09.2022, 07:49
ATS
Qui de Liz Truss ou de Rishi Sunak va succéder à Boris Johnson la semaine prochaine? Durant la campagne, interne au parti au pouvoir cet été, répondre à cette question est souvent revenu à s'interroger sur qui, entre la cheffe de la diplomatie qui promet des baisses d'impôts massives et attaque durement les syndicats, et l'ex-ministre des Finances, attaché à l'orthodoxie budgétaire, était le plus fidèle à l'héritage de celle qui a été Première ministre de 1979 à 1990.
Très clivante, Margaret Thatcher est devenue une icône chez les conservateurs pour avoir écrasé les syndicats afin de mettre en oeuvre ses politiques libérales, gagné la guerre des Malouines en 1982 contre l'Argentine et remporté trois élections législatives.
Un sondage réalisé en 2019 par l'institut YouGov auprès des adhérents du Parti conservateur la plaçait en deuxième position de leurs dirigeants les plus respectés avec 93% d'opinions favorables, juste derrière Winston Churchill. 56% des adhérents se qualifiaient de «thatchériens» – plus que tous les autres qualificatifs proposés.
Pour Tim Bale, politologue à l'université Queen Mary de Londres, l'évolution récente du Parti conservateur, de plus en plus «antieuropéen», renforce l'aura de la «Dame de fer» qui tenait tête à Bruxelles et demandait en 1979 qu'on lui «rende (son) argent».
Nostalgie
«Il y a aussi beaucoup de nostalgie pour la manière dont elle a changé le pays: elle a mis les syndicats à terre, elle a réduit les taxes pour les riches, a favorisé l'accès à la propriété», résume l'expert. «C'est inévitable que (les conservateurs) la voient comme le symbole d'un âge d'or».
D'autant plus que les deux candidats suscitent peu d'enthousiasme et peinent à proposer une vision nouvelle, tranchant avec la modernisation promise par David Cameron ou les promesses de réalisation du Brexit de Boris Johnson.
Favorisant les comparaisons, la conjoncture, relève John Curtice, politologue de l'université de Strathclyde, est «très similaire à celle affrontée par Margaret Thatcher en 1979: une très forte inflation et des conflits sociaux», avec des grèves sans précédent depuis l'époque de la «Dame de fer». Favorite pour devenir la troisième femme à la tête du gouvernement du Royaume-Uni, Liz Truss a très rapidement été comparée à Mme Thatcher, dont, enfant, elle avait joué le rôle dans une pièce de théâtre.
Chapka et char
Les rapprochements ont été alimentés par un positionnement à la droite du parti (championne du libre-échange et des baisses d'impôt, volonté de limiter le droit de grève...). Des images rappelant Margaret Thatcher sont venues forcer le trait, quand elle a posé en chapka en visite à Moscou et sur la tourelle d'un char en Estonie, ou participé à un débat en arborant un chemisier blanc avec un noeud volumineux.
«N'importe quelle femme en politique est comparée à Theresa May ou Margaret Thatcher, parce qu'il n'y a pas eu autant de femmes que d'hommes au pouvoir», a relativisé Liz Truss, tout en louant l'ancienne Première ministre décédée en 2013. Soucieux de corriger son image de modéré déplaisant à la base du parti, Rishi Sunak s'est rendu fin juillet à Grantham, ville natale de Margaret Thatcher dans l'est de l'Angleterre.
Il a pris la plume dans le Daily Telegraph, quotidien de référence des conservateurs, pour se présenter en «thatchérien» et promis de mettre en oeuvre «des réformes thatchériennes radicales qui vont libérer la croissance».
Ses alliés ainsi que d'anciens ministres de la défunte dirigeante ont multiplié les interventions pour présenter son programme – réduire l'inflation avant toute baisse d'impôt – comme le plus fidèle à l'orthodoxie budgétaire de Thatcher. Ils ont rappelé que l'ex-Première ministre avait d'abord relevé les impôts et dénoncé comme dangereuses pour les finances publiques les coupes massives de taxes promises par Liz Truss.
Thatcher «était prête à dire ce que les gens n'avaient pas forcément envie d'entendre», a insisté M. Sunak sur la BBC. «C'est ce à quoi je me tiens, je ne veux pas faire des promesses que je ne pourrai pas tenir».