Ukraine Une Eglise indépendante pour l'Ukraine

ATS

15.12.2018 - 18:02

Un concile d'ecclésiastiques orthodoxes ukrainiens a acté samedi la création d'une Eglise indépendante de la tutelle de Moscou. Cette décision vise à assurer la "sécurité" et l'"indépendance spirituelle" du pays - et creuse encore plus le fossé entre les deux voisins.

L'annonce a été faite devant une foule de supporters, réunis dans le centre de Kiev, par le président Petro Porochenko, qui a fait de l'indépendance religieuse de l'Ukraine une question de "sécurité nationale" et l'un des éléments clé de sa campagne électorale pour la présidentielle du 31 mars.

"Ce jour sacré entrera dans l'histoire comme celui de la création d'une Eglise autocéphale (indépendante, ndlr) unie en Ukraine. Jour de notre indépendance définitive de la Russie", a-t-il lancé, selon des propos retransmis à la télévision.

"Qu'est-ce que cette Eglise? C'est une Eglise sans Poutine", a-t-il ajouté. "L'Ukraine ne boira plus de poison moscovite depuis le calice de Moscou", a-t-il lancé. Ses propos ont été acclamés par des "Gloire!" lancés par des manifestants.

Un nouveau métropolite

Le concile, réuni dans la cathédrale Sainte-Sophie en l'absence notable des principaux représentants de la branche restée fidèle à la Russie, a élu à la tête de la nouvelle Eglise le métropolite Iepifani.

Ce jeune ecclésiastique de 39 ans, jusqu'alors peu connu du public, est considéré comme un proche du Patriarche de Kiev, Filaret, excommunié par Moscou avant d'être réhabilité par le Patriarcat de Constantinople en octobre.

Contrairement à de nombreux dignitaires orthodoxes ukrainiens ayant étudié en Russie, Iepifani a fait ses études en Ukraine et en Grèce, selon la BBC. Il a reçu le titre d'évêque en 2009 et celui d'archevêque quatre ans plus tard.

Une tutelle de trois siècles

L'établissement d'une Eglise d'Ukraine "autocéphale" (indépendante), après 332 ans sous la tutelle de l'Eglise orthodoxe russe, a été autorisé en octobre par le Patriarcat oecuménique de Constantinople.

Il s'inscrit dans le contexte de tensions qui prévaut dans les relations entre Kiev et Moscou depuis l'annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 et l'apparition de groupes séparatistes pro-russes dans l'est de l'Ukraine.

Le gouvernement Porochenko accuse le Patriarcat orthodoxe de Moscou d'exercer une influence pernicieuse sur le sol ukrainien et de se comporter en agent de Moscou pour justifier l'expansionnisme russe. Le Patriarcat de Moscou rejette ces accusations et assure qu'il a tout fait pour favoriser la paix dans le Donbass.

"Persécutions" dénoncées

Le patriarche orthodoxe russe Kirill a dénoncé les "persécutions" contre le clergé et les Ukrainiens restés sous la tutelle de Moscou, dans une lettre adressée au pape François et à l'ONU, mais aussi à Emmanuel Macron et Angela Merkel.

Le président français et la chancelière allemande mènent avec Vladimir Poutine et Petro Porochenko des pourparles en "format Normandie" visant à trouver une issue au conflit dans le Donbass.

Les autorités ukrainiennes se sont voulues rassurantes, assurant que chaque paroisse sera libre de choisir de rejoindre ou non la nouvelle Eglise indépendante. Elles ont dit vouloir à tout prix éviter une "guerre religieuse" dans le pays.

"Sécurité nationale"

"La question d'une Eglise autocéphale est une question de sécurité nationale pour l'Ukraine", a déclaré Petro Porochenko devant le conseil du Patriarcat de Kiev.

"C'est une question de souveraineté. Nous acquérons l'indépendance spirituelle, ce qui peut être comparé à l'obtention de l'indépendance politique. Nous brisons les menottes qui nous liaient à l'empire."

Des milliers de personnes se sont rassemblées samedi, pour soutenir la création d'une Eglise autocéphale. "Restons ici et prions pour que l'Eglise ukrainienne soit créée aujourd'hui", avait déclaré M. Porochenko, en serrant les mains à des manifestants alors qu'il se dirigeait vers la cathédrale Sainte-Sophie, datant du XIe siècle.

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