«Citoyens, préparez-vous à évacuer» Une fausse alerte au missile sème la panique à Séoul

ATS

31.5.2023 - 07:12

Un ordre d'évacuation envoyé par erreur aux habitants de Séoul après le lancement d'une fusée par la Corée du Nord a semé la panique mercredi dans la capitale sud-coréenne. Cette situation fait douter de la capacité des autorités à réagir en cas de vraie attaque.

Des gens regardent les informations dans une station à Séoul, Corée du Sud, le 31 mai 2023. Selon les chefs d'état-major interarmées (JCS) de la Corée du Sud, la Corée du Nord a lancé un satellite d'espionnage militaire au petit matin du 31 mai.
Des gens regardent les informations dans une station à Séoul, Corée du Sud, le 31 mai 2023. Selon les chefs d'état-major interarmées (JCS) de la Corée du Sud, la Corée du Nord a lancé un satellite d'espionnage militaire au petit matin du 31 mai.
KEYSTONE

31.5.2023 - 07:12

«Citoyens, préparez-vous à évacuer et permettez aux enfants et aux personnes âgées d'évacuer en premier»: tel est le message inquiétant, accompagné d'une sonnerie stridente, qu'ont reçu à 06h41 du matin tous les téléphones portables de Séoul.

Le message ne précisait nullement pourquoi cette alerte était envoyée ni où les citoyens étaient censés se rendre. Séoul dispose depuis longtemps d'un réseau d'abris souterrains, mais de mémoire d'homme, ils n'ont jamais été utilisés dans une situation d'urgence réelle.

Le plus grand portail en ligne de Corée du Sud, Naver, est tombé en rade à cause d'un excès de trafic généré par l'alerte, a fait savoir l'entreprise à l'AFP.

Colère

«Nous vous informons que l'alarme envoyée à 06h41 a été émise de manière incorrecte», a indiqué une deuxième alerte envoyée une vingtaine de minutes plus tard. L'incident a semé la frayeur et de nombreux résidents de Séoul ont exprimé leur colère sur les réseaux sociaux, certains appelant même le maire à démissionner.

«J'ai emmené mes deux jeunes enfants dans un parking souterrain comme on me l'avait conseillé. J'étais en état de choc», a raconté à l'AFP un père de famille de 37 ans qui a demandé à être identifié par son nom de famille Yoon. Quant au second message annulant l'alerte, il l'a laissé «sans voix et furieux».

«Maintenant, quand une véritable alarme sera déclenchée, personne n'y croira. C'est comme dans la fable du garçon qui criait au loup», a-t-il vitupéré.

L'alerte a été déclenchée après le lancement par la Corée du Nord d'une fusée transportant un satellite-espion, qui s'est abîmée en mer Jaune en raison d'un problème technique. Mais l'armée sud-coréenne a indiqué que le projectile n'avait jamais menacé Séoul et n'était même pas passé au-dessus de la région.

Une action «nécessaire»

«C'était un lancement spatial au-dessus de la mer», a tweeté Jeffrey Lewis, directeur du projet de non-prolifération en Asie de l'Est (EANP) à l'institut d'études internationales de Middlebury. «C'est comme si le Japon sonnait l'alerte et demandait à tout le monde d'aller aux abris à chaque fois que la Corée du Sud effectue un lancement spatial», a-t-il commenté.

Le maire de Séoul, Oh Se-hoon, s'est défendu en affirmant que son administration «a jugé qu'une action immédiate était nécessaire» après le lancement.

«C'était peut-être une réaction excessive, mais il n'y a pas de compromis en matière de sécurité», a-t-il dit lors d'une conférence de presse, tout en promettant de revoir le système d'alerte de la ville pour prévenir toute nouvelle confusion.

Sur Internet, de nombreux Sud-Coréens ont exprimé leur exaspération face à ce fiasco. «Ils ne nous ont pas dit pourquoi nous devions évacuer, ni où nous devions aller», s'est plaint un utilisateur de Twitter, @duckdo_1226. «Si une vraie guerre éclate, je pense que je finirai par me faire tuer».

«J'ai failli m'évanouir»

Un autre habitant de Séoul, @pedestrian_1234, a dit avoir été pris de panique: «J'ai failli m'évanouir, parce que le texte d'alerte nous disait d'évacuer sans donner d'informations réellement nécessaires». «Il y avait une annonce vocale à l'extérieur que je ne pouvais même pas entendre. Mes mains tremblaient», raconte-t-il.

La Corée du Sud reste officiellement en guerre avec la Corée du Nord, la guerre que se sont livrée les deux pays entre 1950 et 1953 ne s'étant conclue que par un armistice et non un traité de paix.

Pour Minseon Ku, chercheuse en sciences politiques à l'université de l'Etat de l'Ohio, la bévue de mercredi est le symptôme d'un problème de sécurité chronique au Sud. «Cet accroc est regrettable, car la Corée du Sud étant techniquement en guerre en ce moment même, il met en évidence une faille potentielle dans la sécurité civile qui pourrait poser un risque réel», a-t-elle expliqué à l'AFP.

Pour Ankit Panda, un autre spécialiste de la Corée, basé aux Etats-Unis, cette erreur devrait donner lieu à une enquête et à une révision des procédures opérationnelles de la Corée du Sud lors des fréquents essais de missiles par son voisin du nord. «Les fausses alertes peuvent être particulièrement dangereuses en cas de crise, mais elles sapent également la confiance du public en temps de paix», rappelle-t-il à l'AFP.

ATS