Chine Une politique zéro Covid chère à Xi

ATS

13.10.2022 - 08:02

Faire un PCR tous les deux ou trois jours, scanner un code à l'entrée des lieux publics pour prouver qu'on est négatif: telle est la politique zéro Covid en Chine, devenue un symbole du système Xi Jinping.

La politique zéro Covid en Chine est devenue un symbole du système Xi Jinping.
La politique zéro Covid en Chine est devenue un symbole du système Xi Jinping.
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Keystone-SDA

Et même si les confinements à répétition, tests à grande échelle et coûteuses quarantaines ont plombé la deuxième économie mondiale, le président chinois, sur le point de décrocher un troisième mandat inédit, ne semble pas prêt de l'abandonner.

C'est le chemin le plus «économique et efficace» vers l'avenir, assure-t-il, tandis que le Parti communiste (PCC) au pouvoir refuse de préciser si les restrictions seront encore maintenues des semaines, des mois ou des années.

«L'héritage de Xi et la légitimité du Parti sont liés au succès de la campagne zéro Covid», affirme Diana Fu, experte en politique intérieure chinoise au centre de réflexion américain Brookings Institution.

«La campagne, quelles qu'en soient les conséquences sociales et économiques, restera saluée comme un succès du socialisme chinois à l'approche du 20ème congrès du Parti», ajoute-t-elle à propos de la réunion cruciale qui débutera le 16 octobre.

Interminable confinement

Les excès de cette politique font parfois grincer des dents sur les réseaux sociaux, comme durant l'interminable confinement de Shanghai au printemps ou lorsque le récent accident d'un bus transportant des habitants vers un centre de quarantaine, dans la province rurale du Guizhou (sud-ouest), a fait 27 morts.

Mais au quotidien, il faut bien se plier aux règles: se faire dépister plusieurs fois par semaine est devenu obligatoire si l'on veut entrer dans tout lieu public. A l'entrée des bureaux, des centres commerciaux, ou des restaurants, chacun doit scanner un code QR pour afficher les résultats du dernier test.

Si l'icône est verte, on peut entrer. Mais si elle est orange ou rouge, cela signifie qu'on a été testé positif ou côtoyé quelqu'un qui l'est. Conséquence: il faut alors s'isoler chez soi, sous contrôle de l'administration du quartier, voire passer plusieurs semaines en centre de quarantaine.

200 jours en quarantaine

Avec ce traçage, le risque d'abus existe: en juin, les autorités de la province du Henan (centre) ont été critiquées après une manipulation supposée de pass sanitaires pour les faire virer au rouge et ainsi empêcher des participants de se rendre à une manifestation.

La politique zéro Covid est «dans la ligne du modèle de contrôle social sous Xi», juge Steve Tsang, directeur de l'institut SOAS China à l'université de Londres. Son maintien dépend de «l'équilibre entre la nécessité économique» et «le mythe d'un Xi infaillible», estime-t-il.

Avec le zéro Covid, tout voyageur arrivant de l'étranger doit passer dix jours en quarantaine à son arrivée en Chine. Ian Jiang, ingénieur dans le transport aérien, a calculé: au total, il a déjà passé 200 jours isolé à l'hôtel. C'est «très gênant pour ma vie personnelle», dit-il sobrement.

«Mais c'est la politique du gouvernement chinois», se résigne cet homme de 38 ans, qui, pour s'occuper, étudie le français et joue au ballon dans sa chambre. «On n'a pas le choix». Xi Jinping lui-même n'est pas sorti de Chine entre début 2020 et septembre cette année, quand il est allé en Asie centrale. Cette politique restrictive a permis de limiter les décès du Covid à officiellement 5000 morts, contre plus d'un million aux Etats-Unis.

«Exagérées»

Mais quand le variant Omicron, plus contagieux mais aux symptômes moins graves, a poussé de nombreux pays à rouvrir, Pékin n'a pas changé de cap. Cette prudence surprend alors que le taux de vaccination avoisine les 90%, selon le ministère de la Santé.

«Il faut qu'ils finissent par abandonner la politique zéro Covid», qui est «erronée et contraire à toutes les preuves scientifiques», juge Jin Dong-yan, professeur à l'école des sciences biomédicales de l'université de Hong Kong (HKU).

L'apparition de variants hautement transmissibles fait tanguer le système chinois, qui a fondé son succès sur la limitation du nombre de cas, souligne Yanzhong Huang, expert en santé au Conseil sur les relations internationales, un groupe de réflexion américain.

Et comme le virus dépasse la capacité de réaction des autorités, «les villes s'appuient sur les confinements comme réponse immédiate». La Chine juge sa politique sanitaire nécessaire pour éviter que le système de santé soit submergé, surtout dans les campagnes pauvres. Des craintes «exagérées», estime M. Huang. S'ils sont pleinement vaccinés, «la mortalité chez les plus de 80 ans devrait être limitée».

«Corrections de trajectoires»

Outre la contrainte qu'elle fait peser sur des centaines de millions d'habitants, cette politique a un coût: l'économie chinoise verra sa croissance ralentie à 2,7% cette année, selon la banque japonaise Nomura. Soit bien loin des taux pré-pandémie et de l'objectif officiel «d'environ 5,5%».

Les confinements et fermetures d'usines ont aggravé le chômage des jeunes et miné la confiance des consommateurs, selon des analystes, à un moment où l'explosion des prix de l'énergie et les craintes de récession aux Etats-Unis tarissent l'appétit pour les exportations chinoises.

Pourtant, beaucoup en Chine semblent encore favorables à la doctrine zéro Covid: la propagande d'Etat les a convaincus de la nécessité de limiter les cas «quel qu'en soit le prix, humain ou économique», observe Diana Fu. En conséquence, un soutien populaire persiste «en dépit de la souffrance personnelle qui est évidente».

Impossible de savoir quand Xi Jinping décidera d'assouplir cette politique. «Le PCC a des réticences à reconnaître quand il s'est engagé sur une voie problématique», déclare Jeffrey Wasserstrom, spécialiste de la Chine et professeur d'histoire à l'université de Californie à Irvine. Donc «les corrections de trajectoire peuvent être très lentes à venir».