SoudanUne semaine après le putsch, les Soudanais sur leurs barricades
ATS
31.10.2021 - 22:31
Les Soudanais hostiles au coup d'Etat du général Abdel Fattah al-Burhane maintiennent dimanche la pression dans la rue malgré douze morts dans leurs rangs. Ils sont déterminés à relancer la transition vers la démocratie.
31.10.2021, 22:31
31.10.2021, 22:40
ATS
En journée, ils observent la «désobéissance civile», montant des barricades en travers des avenues ou refusant de travailler comme le réclament la quasi-totalité des syndicats du pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres au monde. La nuit, ils organisent de petits défilés pour redire «non au pouvoir militaire» ou conspuer le général Burhane, seul aux manettes depuis qu'il a dissous toutes les institutions du Soudan lundi.
Samedi, ils avaient pris la rue par dizaines de milliers pour s'élever contre le putsch et le maintien en détention de la plupart des dirigeants civils qui jusqu'ici partageaient le pouvoir avec le général Burhane et d'autres militaires pour emmener le pays vers ses premières élections libres.
Bilan de la semaine de manifestations: 12 morts et près de 300 blessés, selon un syndicat de médecins prodémocratie. La police, elle, assure ne jamais avoir tiré à balles réelles.
Et alors que lundi la plupart des dirigeants civils du pays sont entrés en détention, dimanche, plusieurs figures de l'ancien régime d'Omar el-Béchir – qui a régné sans partage de 1989 à 2019 – sont sorties de prison.
Procureur limogé
La télévision d'Etat a rapporté en soirée que le général Burhane avait limogé le procureur général qui avait ordonné ses libérations, mais les partisans d'un pouvoir civil n'en démordent pas: pour eux, c'est la confirmation que le coup d'Etat veut ramener le Soudan à l'époque de la dictature – un attelage baroque entre l'autocrate Béchir, des militaires et des islamistes qui ont valu au Soudan son inscription sur la liste noire des Etats-Unis.
Alors qu'à Khartoum, de nouvelles barricades de pierres, de branches et de pneus se montent, les tribus qui bloquaient depuis un mois et demi le principal port, Port-Soudan, dans l'Est, ont levé le camp.
«Après des discussions avec les dirigeants, des organisations internationales et de la société civile, nous avons décidé de lever notre blocage un mois pour donner le temps aux autorités de former un gouvernement puis pour que ce cabinet trouve une solution pour l'Est», a affirmé à l'AFP Abdallah Abouchar, un des leaders des manifestants issus des tribus Beja.
Dans cette région, poumon commercial du Soudan où transite le pétrole du Soudan du Sud et la quasi-totalité de l'import-export du pays, les habitants disent ne pas voir les retombées de ce commerce, mettant en avant l'absence d'infrastructures et de services.
Le blocage des Beja avait provoqué des pénuries dans tout le pays et un peu plus exacerbé les tensions au Soudan, englué dans le marasme économique et miné par des décennies de conflits, mettant encore en difficulté un gouvernement civil déjà rendu impopulaire par ses réformes économiques.
Une bonne part des membres de ce gouvernement sont aujourd'hui retenus par l'armée, tandis que soldats et paramilitaires quadrillent toujours les rues une semaine après le coup d'Etat.
Installés à des barrages volants, ils fouillent passants et voitures à Khartoum, où la plupart des magasins demeurent fermés, signe que la «grève générale» décrétée lundi par les syndicats est suivie.
Les communications téléphoniques, coupées samedi, sont désormais globalement rétablies mais internet reste largement inaccessible.
«Médiation»
L'émissaire de l'ONU au Soudan, Volker Perthes, a rencontré dimanche le Premier ministre Abdallah Hamdok, assigné à résidence, et évoqué de possibles «médiations» pour sortir le pays de l'impasse.
Mais, affirmait samedi à l'AFP sa cheffe de la diplomatie, Mariam Sadeq al-Mahdi, M. Hamdok «ne participera pas à cet acte grotesque, cette trahison menée par les putschistes».
Exigeant le retour d'un pouvoir civil, Washington et la Banque mondiale ont suspendu leur aide financière, vitale pour le Soudan asphyxié par une inflation galopante et une pauvreté endémique.
En août 2019, Khartoum s'était doté d'autorités militaro-civiles en charge de mener la transition vers un pouvoir entièrement civil, après le renversement en avril de la même année du dictateur Béchir.
Mais après plus de deux ans d'une délicate transition minée par les divisions entre et au sein des deux clans civil et militaire, l'entente a volé en éclats ces dernières semaines, culminant avec le putsch.