«Et maintenant?»Victoire de l'extrême droite en Autriche: début du «jeu de poker»
ATS
30.9.2024 - 19:55
Herbert Kickl est-il un roi nu? Au lendemain de la victoire historique de l'extrême droite, les tractations en coulisses ont déjà commencé lundi pour former une coalition, mais le chef du FPÖ risque fort d'être exclu du pouvoir.
30.09.2024, 19:55
ATS
«Vainqueur, et maintenant?», a titré le quotidien Kurier, car personne ne veut s'allier à ce politicien de 55 ans jugé bien trop radical: portant un agenda illibéral et anti-européen, il est opposé aux sanctions contre la Russie.
Face à ce barrage, il pourrait connaître le même sort que Geert Wilders aux Pays-Bas, qui a dû renoncer à ses ambitions de premier ministre, ou que le Rassemblement national (RN) français, écarté par le front républicain.
A l'étranger, les félicitations des autres formations d'extrême droite ont afflué. «Les temps changent», s'est félicité M. Wilders après l'annonce des résultats, citant onze pays européens où les nationalistes ont le vent en poupe.
Dans la Hongrie voisine, le dirigeant Viktor Orban a salué une «nouvelle victoire pour les patriotes». En Italie, le dirigeant de la Ligue Matteo Salvini a parlé d'une «journée historique en faveur du changement» et en France, Marine Le Pen d'«une lame de fond».
Turbulences en vue
En obtenant 28,8% des voix devant les conservateurs, Herbert Kickl a fait mieux que ses prédécesseurs, Jörg Haider et Heinz-Christian Strache.
Sans provoquer la même réaction: cette fois, pas de grandes manifestations, même si un premier mouvement de protestation a été annoncé pour jeudi.
«Nous nous y attendions, alors nous ne sommes ni choqués ni ravis», confie à l'AFP Isabella, une quinquagénaire viennoise qui a refusé de donner son nom de famille.
Certes, le fond de l'air est «révolutionnaire», comme l'écrit la Kronen Zeitung, le tabloïd le plus puissant du pays. Mais «le jeu de poker qui commence sera dur, long et turbulent».
Sachant que les tractations durent en moyenne 62 jours, avec un record de 124 jours en 1999-2000.
La balle est désormais dans le camp du président de la République, Alexander Van der Bellen, issu des écologistes.
«La tradition veut qu'il remette le mandat au parti arrivé premier», rappelle Andreas Eisl, chercheur à l'institut Jacques Delors.
Mais il n'a pas caché ses réticences envers Herbert Kickl et a prévenu: le gouvernement doit obtenir le soutien d'une majorité de 92 députés, et ne remettre en cause ni les fondements de la démocratie, ni les engagements de l'Autriche à l'étranger.
Il pourrait y avoir «un préambule dans le programme» du gouvernement spécifiant qu'il va «respecter les traités de l'UE», selon Kathrin Stainer-Hämmerle, professeure à l'université de Carinthie.
Confier au FPÖ le soin de mener des négociations serait symboliquement chargé: une première depuis 1945 pour cette formation fondée par d'anciens nazis et dirigée par un homme qui veut se faire appeler Volkskanzler, le «chancelier du peuple». Comme Hitler.
Ménage à trois?
Le chef d'Etat a aussi le pouvoir de confier la tâche aux conservateurs de l'ÖVP (26,3%), même s'ils enregistrent la plus lourde défaite de leur histoire.
«C'est un vrai enjeu», note M. Eisl: dans ce cas, il prêterait le flanc aux critiques de M. Kickl qui a déjà commencé à se plaindre d'un «déni de démocratie».
Ce serait alors le chancelier sortant Karl Nehammer qui serait à la manoeuvre, avec la possibilité de pactiser avec le FPÖ, comme en 2000 et 2017.
Les scandales à répétition ont rendu les conservateurs prudents et contrairement à son mentor Jörg Haider en 2000, Herbert Kickl ne semble pas avoir l'intention de se mettre en retrait, selon l'expert.
Une formule inédite pourrait voir le jour selon cet analyste, avec «une coalition tripartite» alliant l'ÖVP, les sociaux-démocrates du SPÖ (21,1%) et le petit parti libéral Neos (9,2%).
Le chef du SPÖ Andreas Babler, à la tête d'un parti très affaibli et divisé, s'est dit lundi «inquiet du virage à droite». «Nous avons tendu la main pour des discussions et sommes prêts», a-t-il souligné.
Selon le quotidien Der Standard, M. Nehammer pourrait faire traîner en longueur les discussions, avant de finalement se tourner vers le FPÖ, son partenaire désormais naturel.
Ce ne serait pas la première fois que les conservateurs «retournent leur veste», observe Andras Eisl.