Visite surprise «Vous nous enfumez depuis cinq ans» - Macron interpellé sur un marché dans le Jura

ATS

27.4.2023 - 14:46

Retraites, pouvoir d'achat, santé: Emmanuel Macron a longuement échangé avec des habitants lors d'une halte surprise sur un marché jeudi à Dole (Jura français) alors que ses opposants l'attendaient plus loin, dans le Doubs, pour un déplacement consacré à l'abolition de l'esclavage.

Keystone-SDA

Le chef de l'Etat, accueilli à chaque visite de terrain par un concert de casseroles et de sifflets depuis l'adoption de la réforme des retraites, a pu montrer cette fois qu'il pouvait aussi aller sans accroc au contact des Français, même si certains échanges ont été vifs et directs.

«Moi je vais au contact. Pourquoi? Pour entendre les difficultés des Français. Avoir des idées nouvelles, ressentir ce qui est compris, ce qui n'est pas compris», a-t-il dit devant des passants.

«Et aussi pouvoir traiter des colères, mais de le faire de manière non-organisée artificiellement», s'est-il justifié, jugeant «inutiles» les déplacements «où tout est arrangé parce que ça se passe trop bien et ceux où tout est arrangé parce que ça se passe trop mal».

Fins de mois difficiles

La hausse des prix, les fins de mois difficiles, les petites retraites ont dominé les échanges, avec parfois aussi des piques plus personnelles. «Tout est cher. Il y a des gens qui crèvent de faim», lui a lancé une passante, ajoutant: «Voiture de fonction logement gratos, on n'a pas tous ça nous hein».

Une commerçante s'est plainte d'être «en retraite et de travailler quand même». Une autre dame renchérit: «On ne vit pas avec 1000 euros par mois».

Emmanuel Macron a rappelé les baisses d'impôts, la suppression de la taxe d'habitation, les chèques énergie ou la hausse des petites pensions avec sa réforme très contestée des retraites.

Les charges, «on n'a pas arrêté de les alléger et je me suis déjà fait engueuler là-dessus», a-t-il fait valoir. «Maintenant il faut qu'on arrive à recréer une dynamique salariale... c'est pas le gouvernement qui peut le faire», a-t-il plaidé, renvoyant la balle dans le camp du dialogue social.

«Vous nous enfumez depuis cinq ans»

Un ancien représentant local des gilets jaunes, Fabrice Schlegel, l'a aussi vivement interpellé sur le «déficit colossal», la «dépense publique», lui reprochant d'avoir «tué la fonction hospitalière, la médecine de proximité» et de dire «beaucoup de bêtises». t-il accusé.

«Vous, vous dites beaucoup de bêtises tous les jours», a déclaré Fabrice Schlegel. «Vous pouvez enfumer les Français... Vous nous enfumez depuis cinq ans, et vous avez encore quatre ans. C'est le jeu, c'est la démocratie.»

«On n'est pas d'accord, mais il est respectueux», a répondu Emmanuel Macron à une femme qui s'indignait du ton employé par son interlocuteur. Les deux hommes se sont serrés la main, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de cet article.

Manifestants à Pontarlier

Dans le même temps, entre 200 et 300 manifestants attendaient Emmanuel Macron près de Pontarlier, dans le Doubs. Ils étaient retenus au prix de quelques bousculades par un cordon de gendarmerie à plus d'un kilomètre du lieu du discours.

«Ils bloquent les gens, ça décourage du monde de venir à pied, je pense que c'est le but recherché», témoigne Pascal Maillard, 62 ans, retraité d'Enedis. «On n'a jamais vu un président qui se protège de cette manière, et qui nous méprise autant», a-t-il grincé.

Une casserole à la main, Céline, 51 ans et enseignante en primaire, explique: «Je suis venue parce que je suis contre la réforme des retraites, qui va pénaliser les femmes particulièrement. J'ai dû marcher 40 minutes pour arriver jusqu'ici. Ce dispositif (...) c'est démesuré: on n'est pas des terroristes, on veut juste se faire entendre», déplore-t-elle.

Pas d'interdiction

L'Etat français avait déclaré jeudi matin avoir renoncé à interdire les manifestations contre la venue d'Emmanuel Macron dans le Doubs, où le président de la République doit célébrer dans la journée l'abolition de l'esclavage.

Le préfet du Doubs Jean-François Colombet avait pris mardi un arrêté interdisant de manifester entre 9h et 16h jeudi dans la commune de La Cluse et Mijoux, où le chef de l'Etat est attendu en milieu de journée. L'arrêté mentionnait notamment «la prégnance de la menace terroriste sur le territoire national».

Cet arrêté avait fait l'objet de trois recours en référé-liberté devant le Tribunal administratif de Besançon, qui devait l'examiner jeudi matin en audience publique.

Mais le préfet a finalement décidé de retirer son arrêté, a annoncé le Tribunal. «Le retrait étant rétroactif, l'arrêté du 25 avril est considéré comme n'ayant jamais existé (...) les requérants ayant obtenu gain de cause», précise le courriel.