ArtisanatDes perles écolos pour relancer le tourisme à Saint-Gingolph
zd, ats
28.2.2021 - 10:28
Jean-Loïc Selo a relancé en 2019 la fabrication de perles créées à partir de la nacre d'écailles de poisson, un savoir-faire qui attirait le siècle dernier des files de touristes à Saint-Gingolph (VS). Dix-huit mois plus tard, le bilan est positif même si la crise sanitaire pèse sur son projet.
Dans un petit atelier à quelques kilomètres de la frontière côté suisse, deux retraités s'affairent à fabriquer des perles sous la houlette de Jean-Loïc Selo. «C'est un coup de main à prendre», commente Joël alors qu'il s'apprête à tremper un carré de 25 perles d'émail dans une substance faite de la nacre d'écailles. Celles-ci seront montées en bagues ou en pendentifs.
Non loin, Martine s'assure que d'autres perles qui ont fini de sécher sont bien trouées des deux côtés. Celles-là sont destinées à la confection de colliers. Il faut entre 20 et 40 bains pour que les perles se parent d'au moins 2 mm de nacre. «On arrête de les tremper lorsqu'elles nous plaisent», glisse la Gingolaise.
Au total, huit personnes travaillent au projet de Jean-Loïc Selo. La plupart sont bénévoles et passent enfiler les perles fabriquées par le trio «lorsqu'elles en ont le temps ou l'envie». Dans une autre vie, l'ingénieur en chimie a dû «se plier à des demandes de rendement» et ce n'est pas ce qu'il veut pour son projet.
Il ne saurait donc dire combien de perles sont sorties de son atelier, ni combien il en a vendues. Heureux d'avoir redonné vie à un savoir-faire jusque-là perdu, il indique couvrir ses frais et avoir une liste de commandes de colliers de perles «longue comme le bras».
Même art
L'idée de Jean-Loïc Selo est surtout de faire revenir le tourisme à Saint-Gingolph pour que tous les habitants en profitent, comme ils le faisaient entre 1920 et 1970, âge d'or de la perle du Léman. Dans les années 1960, la boutique La perle du Lac «ne désemplissait pas d'élégantes Anglaises», se souvient Gaby, qui tenait avec son mari l'hôtel National situé juste en face.
«Ces dames venaient en bateau depuis la touristique côte vaudoise, participaient à des tours organisés dans le village puis venaient boire le thé dans notre hôtel», glisse-t-elle. Dans les années 1970, la perle, symbole bourgeois, s'est ringardisée; les propriétaires ont fermé et personne n'a repris l'affaire, ajoute-t-elle.
Pour Claude Martenet, président du comité des amis du musée des traditions et des barques du Léman, ce retour de la perle «pourrait effectivement fonctionner comme une carte de visite, mais il faudrait que ce soit encore plus développé et connu» pour en faire un atout touristique et commercial. Sans compter que la crise sanitaire pèse sur le projet.
Autre manière
Jean-Loïc Selo a mis quinze ans avant de se laisser convaincre par un ami de relancer la production. Il a alors planché deux ans sur une recette écologique et zéro déchet. Le bijoutier veut proposer une alternative aux huîtres de culture dont seul un petit pourcentage parvient à façonner des perles bien sphériques, soyeuses et irisées ainsi qu'au lustre parfait.
Dans l'atelier, ces trois caractéristiques peuvent être atteintes en «plongeant simplement une fois de plus la perle dans la substance nacrée» que Jean-Loïc Selo a brevetée. Cette essence d'Orient, selon le terme consacré, est faite de la nacre des écailles de certains poissons qui en ont besoin pour se camoufler dans l'eau, explique-t-il.
A l'époque, on utilisait des écailles d'ablettes, disparues des eaux du lac en raison de sa surpêche. Perches, truites, gardons et féras sont de bons candidats, mais la féra a les faveurs du bijoutier, car «elle n'a que peu d'odeur, est blanche et facile à préparer». Il se fournit chez un pêcheur basé à Locum, à cinq minutes de la frontière, côté français.
«Je dois de toute façon les écailler avant de fournir les restaurants, explique David Bened, qui vient de lever ses filets. Le poisson est ainsi valorisé deux fois». Une fois les écailles détachées, il les mixe pour récupérer la nacre et filtre le liquide. Celui-ci est ensuite apprêté par le chimiste qui n'a pour l'heure pas besoin de plus que ce que lui fournit ce pêcheur.
Dans son musée, devant une petite vitrine dédiée aux perles de Saint-Gingolph, Claude Martenet désigne fièrement des colliers datant de 1920 qui ont encore toute leur superbe. Et de conclure: les perles du lac ne meurent jamais.