«Trésors ressuscités du Léman» Hélice tueuse, cloches envolées: ces objets qui racontent des histoires

Valérie Passello

5.7.2023

L'exposition «Les trésors ressuscités du Léman» s'arrête au bord du lac au Bouveret jusqu'au 31 août. Conçue par l'association d'usagères-ers-x des Bains des Pâquis, elle raconte une foule d'anecdotes passionnantes et explique comment des objets en lien avec l'histoire du Léman se sont retrouvés dans des lieux insolites.

Valérie Passello

Dans toute enquête, il y a ce que l'on sait, ce que l'on ignore, ce que l'on croit savoir et ce qu'il convient de vérifier. C'est bien un travail de fin limier qui a été effectué pour retrouver la trace des objets présentés dans l'exposition «Les trésors ressuscités du Léman».

L'un des instigateurs de l'expo, Philippe Constantin, revient sur la genèse du projet: «L'idée est venue dans la foulée d'une première exposition intitulée 'Les fantômes du Léman', où l'on racontait des histoires tragiques de naufrages ou de catastrophes. Dans ce cadre, beaucoup d'objets avaient ressurgi. Nous nous sommes dit qu'il y avait assez de matière pour une deuxième expo.» 

Quand les cloches s'envolent, mais pas à Rome

À travers différentes rencontres, via le bouche à oreilles et par le biais de vérifications in situ, Philippe Constantin et ses acolytes sont parvenus à retrouver différents objets, parfois dans des lieux surprenants. Par exemple, plusieurs cloches de bateaux se trouvent aujourd'hui... dans des églises. 

Le Léman à la carte!
Carte visible dans la nouvelle exposition
Bains des Pâquis

Une nouvelle expo est à découvrir aux Bains des Pâquis du 3 juillet jusqu'à la mi-septembre. "Le grand atlas du Léman" présente des cartes topographiques souvent insolites et parfois extravagantes représentant le plan d'eau.  17 panneaux sont proposés, en collaboration avec le Musée du Léman. Vernissage le 7 juillet à 11h.

«J'ai moi-même grimpé sur les toits et je suis monté dans des clochers pour vérifier les informations que l'on m'avait données», raconte Philippe Constantin. Il est donc en mesure de confirmer ce fait: après le démantèlement de navires, leur naufrage ou autre, des cloches se sont carrément envolées vers les cieux!

C'est le cas d'une sonnaille de l'église de Denges, issue du bateau à vapeur «Valais», ou de celle du «Bonivard», qui a été retrouvée au sommet du clocher de l'église catholique du Grand-Lancy.  À la démolition du navire l'«Helvétie» en 1918, sa cloche a été vendue à la paroisse protestante du Bouveret pour 450 frs et 70 centimes, apprend-on encore dans l'expo. 5 frs supplémentaires avaient alors été investis pour acheter le vin destiné au baptême de la cloche!

Funeste destin d'«Air Union» et contrebande sous l'eau

Un autre «trésor» s'est retrouvé bien loin du lac. Il s'agit d'une hélice d'avion, qui est suspendue dans l'atelier mécanique du garage Martin à Perroy. Mais quel lien entre ledit avion et le Léman?  

L'exposition nous renseigne: en 1930, la ligne d'hydravion commerciale «Air Union» entre Ouchy et Evian est inaugurée... mais  pour un seul vol, car l'appareil se crashe dans le lac. Deux passagers disparaissent dans les profondeurs, une troisième a le bras sectionné par l'une des deux hélices de l'avion et meurt le lendemain. L'histoire ne dit pas si c'est l'hélice coupable qui se trouve dans l'atelier, ni où l'autre s'est évaporée...

Parmi les objets se trouvant aujourd'hui chez des particuliers, l'expo évoque également un petit sous-marin à l'histoire rocambolesque. Dans les années 1990, «un contrebandier officiait entre Montreux et Thonon pour livrer sur le territoire français des pains de haschisch aux effluves paradisiaques», nous explique-t-on. On apprend aussi comment le submersible de poche a fini par échouer dans un jardin de la campagne bernoise.

Une attraction désastre

Selon Philippe Constantin, «des cabines de bateau complètes se trouvent aujourd'hui dans des carnotzets», mais souvent en toute confidentialité.

Il est un objet, par contre, qui n'a été récupéré par personne, puisqu'il est resté immergé dans le lac jusqu'en 2017. Il s'agit d'un mât flottant, sur lequel les baigneurs les plus téméraires des années 1930 aimaient à grimper. 

Mais bien que prisée un peu partout, l'attraction était loin d'être sans danger. La fille de l'ambassadeur américain en Suisse est par exemple décédée sur le lac de Neuchâtel, victime d'«un retour d'échelle trop violent», peut-on lire sur l'un des panneaux de l'exposition. 

Concernant le mât retrouvé dans le Léman, il a été expédié par le fond en 1939, après la faillite de Lausanne-Ouchy Plage. Repêché il y a six ans, le vestige est aujourd'hui exposé dans la cour du Musée du Léman à Nyon.