Exposition en ValaisLa littérature s'enivre au Musée du vin à Sierre
zd, ats
10.3.2023 - 10:02
Une exposition itinérante explore le lien qu'entretenaient avec le vin les trois écrivains germanophones Rainer Maria Rilke, Hermann Hesse et Friedrich Dürrenmatt, installés dans des régions viticoles de Suisse latine. A voir au musée du vin à Sierre jusqu'à fin 2023.
zd, ats
10.03.2023, 10:02
10.03.2023, 10:58
ATS
«L'idée de développer une exposition autour du vin, dénominateur commun de ces grands noms de la littérature, s'est imposée d'elle-même à nos institutions respectives», explique Brigitte Duvillard, directrice de la fondation Rilke à Sierre (VS), qui a travaillé en collaboration avec le Museo Hesse à Montagnola (TI), le Centre Dürrenmatt Neuchâtel.
Les trois auteurs germanophones avaient un rapport spécial au vin et l'ont thématisé dans leurs oeuvres de manière très différente. Et c'est tout le propos de cette exposition bilingue, présentée dans la vieille maison rénovée qui abrite le Musée du vin, et qui se déroule au fil des citations tirées de leurs oeuvres respectives, photos, dessins, objets emblématiques.
La scénographie ne laisse rien au hasard. «On voulait animer cette littérature, lui donner du corps», précisent d'une seule voix Brigitte Duvillard et la directrice du Musée du vin Delphine Niederberger.
La cave légendaire
Il fait un peu frisquet dans l'espace dédié à Friedrich Dürrenmatt et les cailloux crissent sous les chaussures. Normal, il a pris place dans la cave de la maison. «C'est un clin d'oeil à la cave légendaire de l'auteur de «La Promesse», grand amateur de bordeaux et de bourgogne», explique Brigitte Duvillard. Quelques-unes de ses bouteilles sont exposées, «vides bien sûr», ajoute en riant la directrice.
L'auteur, qui ne boude pas son petit verre, intègre dans ses écrits de nombreuses références oenologiques. Le vin y délie les langues jusqu'à faire éclater la vérité comme dans son célèbre roman «Le juge et son bourreau». Il vit aussi par procuration la vie gargantuesque de ses personnages, lui-même souffrant de diabète.
Installé à Neuchâtel, Friedrich Dürenmatt «n'estimait absolument pas le vin suisse. Il disait que 'la vie est trop courte pour boire le vin qui n'est pas bon'», explique Brigitte Duvillard. Un point de vue qu'il n'hésite pas à clamer haut et fort notamment en publiant une série de caricatures moquant le vin suisse.
La maturation créative
Le poète Rainer Maria Rilke, buveur très modeste, voit plutôt le vin comme métaphore poétique de l'attente nécessaire à la maturation de toute chose, y compris pour sa propre création, raconte Mme Duvillard. Un constat qu'il fait durant les années passées à Veyras, au château de Muzot, qui dispose d'un petit vignoble et dont Rilke suivra la production de très près.
Tant le vin que la vigne apparaitront dans ses célèbres «Elégies de Douino» mais aussi dans les «Quatrains valaisans», dédiés à ce paysage qui lui a rendu sa créativité après des années de silence. Ces quatrains sont écrits en français pour l'occasion, la langue de la vigne selon Rilke, souligne la directrice de la fondation qui lui est dédiée.
Le poids de la vie
Le rapport au vin est encore différent pour Hermann Hesse. Il boit à l'excès dans sa jeunesse pour «contrebalancer son éducation stricte», explique Delphine Niederberger. Arrivé au Tessin en 1919, il raconte dans «Le dernier été de Klingsor», ses visites dans les grotti locaux et la consommation généreuse de vin, qui recouvre l'angoisse de la mort tout en magnifiant l'euphorie.
Quand en 1931, l'auteur de «Siddhartha» s'installe à Montagnola, dans la villa Casa Rossa, à laquelle est rattaché un grand terrain avec sa vigne, il apprend à apprécier la culture de la vigne, la vie au rythme des saisons, l'éternel recommencement d'un travail idéalisé. De «béquille qui lui permet de supporter le poids de la vie», le vin ou plus précisément sa culture devient le moyen de «vivre en harmonie avec la nature», ajoute la directrice du musée.
Pour accompagner ces trois écrivains, le Musée du vin a souhaité ajouter une contribution plus personnelle, avec un côté plus visuel et contemporain sous la forme d'un accrochage photos de l'artiste valaisanne Laurence Bonvin. Après Montagnola et Sierre, l'exposition ira à Neuchâtel, au Centre Dürrenmatt.