ScienceAttendant un «miracle», Trump a laissé le coronavirus s'emballer
AFP
7.10.2020 - 08:10
«Franchement, ils sont miraculeux», a jugé Donald Trump à propos des traitements qu'il a reçus contre le Covid-19, samedi dernier, jour où 740 personnes sont mortes du coronavirus aux Etats-Unis.
Au début de la pandémie, le président américain a dit que le virus disparaîtrait tout seul. Il a ensuite voulu surmonter la crise à coups de milliards de dollars: d'abord en ordonnant la fabrication de 100.000 respirateurs artificiels. Puis, quand les morts ont continué, en subventionnant les développeurs de traitements et de vaccins. Et après avoir voulu limiter le nombre de tests, son gouvernement a tardivement décidé d'en distribuer massivement.
Mais le miracle ne s'est pas produit: les médecins préfèrent finalement éviter les respirateurs, les traitements ne sauvent qu'une partie des malades, les vaccins ne seront pas prêts à grande échelle avant 2021, et les tests ne sont pas la panacée, comme l'éclatement d'un foyer à la Maison Blanche l'a démontré.
Sa propre contamination, et le fait que 30.000 personnes soient en ce moment hospitalisées dans le pays, sont la preuve funeste des lacunes de la politique sanitaire fédérale.
Tout cela n'est pas nouveau: les experts en santé publique répètent depuis des mois que pour empêcher le coronavirus de pénétrer le nez ou la gorge des gens, des mesures simples et peu coûteuses sont parmi les plus efficaces: le masque et la distanciation physique.
Mais le dirigeant septuagénaire, après avoir dit qu'il avait «compris» le Covid-19, a déclaré triomphalement: «N'ayez pas peur du Covid», et affirmé que le virus était moins dangereux que la grippe, ce qui est faux.
«C'est probablement la chose la plus dangereuse qu'il ait jamais dite sur le Covid», a tweeté, consterné, le chercheur Jeremy Konyndyk, qui détaille à l'AFP: «C'est dangereux car le pays est très polarisé, très divisé sur ces sujets, et un grand nombre de gens agissent en fonction de ce qu'il dit.»
«Narcissisme»
«Il aurait pu en profiter pour donner l'exemple au pays», dit à l'AFP Ali Nouri, président de la fédération des scientifiques américains, regrettant le «mauvais message» envoyé aux Américains.
Les épidémiologistes s'étranglent depuis lundi. «Ses paroles vont tuer encore plus», a tweeté Michael Mina, de Harvard.
«Les prochains mois détermineront si nous aurons 270.000 Américains morts d'ici la fin de l'année, ou 400.000... Le président vient de dire aux Américains: d'accord pour 400.000», a déploré Peter Hotez, professeur au Baylor College, sur CNN.
C'est in fine le respect très sélectif de la science par Donald Trump qui choque le plus la communauté scientifique.
De multiples incidents ont émaillé la pandémie: les pressions sur les Centres de lutte contre les maladies pour édulcorer les consignes sanitaires et censurer des études sur la dangerosité du virus, celles sur l’Agence des médicaments pour alléger les critères d'autorisation d'un futur vaccin, peut-être avant l'élection du 3 novembre.
«Le même raisonnement et le même processus qui ont été utilisés pour générer les anticorps (administrés à M. Trump) ont été utilisés pour élaborer les consignes disant à tout le monde de faire très attention. Il retient une partie de la science qui lui plaît, et rejette les autres principes», dit à l'AFP Holden Thorp, le rédacteur en chef des revues du groupe Science, qui ont publié une centaine d'études sur le Covid-19 depuis février.
Holden Thorp reproche en particulier à M. Trump son manque de compassion à l'égard des 210.000 Américains décédés du virus, et pour tous les travailleurs hospitaliers qui se battent depuis février.
«Il a enfin remercié le personnel médical quand ils ont commencé à le soigner. Cela montre son narcissisme», dit Holden Thorp.
Une ultime décision a achevé de consterner les experts, celle rapportée par des médias américains d'avoir renoncé à retracer les cas contacts d'une réception à la Maison Blanche en l'honneur de la juge Amy Coney Barrett le 26 septembre, dont de nombreux participants ont été testés positifs ces derniers jours.
Au total, selon Politico, une trentaine de personnes de l'entourage du commandant en chef ont été contaminées à ce jour.