Sciences & Technique Au muséum, l'art et la manière de "remonter" un dinosaure

AFP

14.3.2018 - 07:52

"On commence par la queue ou par la tête?" Le "monsieur dinosaures" du Muséum d'Histoire naturelle, en chaussettes au beau milieu d'une nef du musée, attaque sa journée avec une mission des plus originales: "remonter" un squelette en morceaux depuis plus de 100 ans.

Autour de ce spécialiste, Ronan Allain, une dizaine de grosses boîtes grises en plastique, d'énormes os marrons sur des chariots à roulettes et des emballages spéciaux pour les plus grosses pièces du squelette d'un Edmontosaurus annectens.

Ce qui vaut à ce dinosaure à bec de canard de sortir pour la première fois de la poussière des réserves du Muséum ? La venue à Paris pour une exposition en juin de la star des dinosaures, un T.Rex. L'Edmontosaurus aura la charge d'illustrer les goûts culinaires de l'effroyable carnivore.

Depuis plusieurs semaines, Hélène Bourget, lithopréparatrice en blouse blanche, trie, nettoie, comble et recolle les os du monstre en vue de cette exposition.

Finalement, les deux scientifiques ont décidé de commencer par la queue: un tout petit os perdu à droite d'une bande de 10 mètres de papier kraft, de la taille de l'animal à reconstituer, ouvre le bal.

C'est la dernière vertèbre de la queue de l'herbivore. En peu de temps, Ronan Allain placent les 87 autres. Il les emboite, agenouillé sur un bout de mousse, avec une facilité déroutante. "La queue est complète", s'émerveille le paléontologue.

Le sacrum trouve sa place tout aussi facilement.

Vient le premier "hic". Le scientifique tourne les os du dos, noircis par les processus de la fossilisation, les ausculte, se gratte la nuque, "ça doit aller au-dessus..." Une belle ligne de vertèbres, vieilles de 67 millions d'années, traverse de part et d'autre le papier jaune.

- 'Un beau bébé' -

C'est l'heure de déballer la gueule de l'animal. Et quelle gueule! Avec ses trois rangées de dents et son bec de canard, "ça fait quelque chose d'assez efficace", reconnait le spécialiste, qui ne peut retenir un "punaise" d'admiration au moment où crâne et mandibule s'emboitent en un clic.

"Il n'y a rien d'autres pour le crâne ?", "c'est pas l'humérus, c'est la fibula!", "je vais chercher le pubis?": les échanges, purement techniques, se poursuivent entre les deux spécialistes, résonnant dans l’imposante nef de la Galerie de Minéralogie et de Géologie du Jardin des Plantes, déserte pour l'occasion.

Mais le plus dur reste à faire: "Edmonto", comme on peut lire sur certaines boîtes, a maintenant besoin de ses bras et de ses pattes.

Les deux experts vont devoir différencier les os du côté gauche des os du côté droit. Puis retrouver l'emplacement exact de chaque phalange. Mais "qu'est ce qui ressemble plus à une phalange qu'une autre phalange ...", se lamente Ronan Allain. "Vous me donner une vertèbre, je sais tout de suite où elle va ! mais une phalange...".

Mais pas de tergiversation, Ronan Allain et Hélène Bourget sortent leurs "antisèches", des photos incroyables réalisées sur le gisement en 1910 au Wyoming (Etats-Unis) et les travaux de deux étudiants. "C'est une gymnastique intellectuelle réalisable mais il faut que je me replonge dans l'anatomie de ces animaux".

Une heure plus tard, le fin serpent de vertèbres s'est transformé en un énorme monstre dont on devine les cuisses monumentales, les pieds dévastateurs et la cage thoracique d'un autre temps.

"Félicitations, c'est un beau bébé", s'amuse Hélène Bourget en regardant les quelque 220 os assemblés, baignés par la lumière des dômes vitrés.

"On va faire un beau socle en bois pour bien le présenter. Ça devrait avoir de l'allure", explique presque amoureusement Ronan Allain.

L'exposition "un T.Rex à Paris", se tiendra du 6 juin au 2 septembre au Jardin des Plantes à Paris.

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