Sciences & Technique Climat: la géo-ingénierie arrive dans le débat

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11.10.2017 - 17:34

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Berlin (AFP)

Scientifiques et stratèges du climat sont réunis cette semaine à Berlin pour débattre de la façon dont les technologies de manipulation du climat (ou géo-ingénierie) pourraient en partie compenser notre incapacité à réduire suffisamment les gaz à effet de serre responsables du réchauffement.

Fin 2015, 195 pays se sont engagés à contenir la hausse de la température mondiale "bien en deçà de 2°C" voire 1,5°C par rapport au niveau d'avant la Révolution industrielle. Mais l'accord de Paris ne précise pas comment et quand ces objectifs doivent être atteints.

Or la température a déjà augmenté d'un degré, entraînant tempêtes tropicales et vagues de chaleurs meurtrières, incendies... Des conséquences dramatiques qui indiquent que le temps ne joue pas en notre faveur et que l'éventail des solutions se rétrécit.

Michael Taylor, spécialiste de l'atmosphère à la West Indies University, a rappelé cette semaine à Berlin l'urgence d'agir après les deux cyclones de catégorie 5 qui ont récemment dévasté les Caraïbes. "Le climat de la région va tellement changer qu'il ne va pas seulement être inhabituel, il sera sans précédent", a-t-il déclaré.

"Il est devenu très clair que parvenir aux 2°C, et plus encore à 1,5°, dépendra beaucoup de notre capacité à extraire de grandes quantités de CO2 de l'atmosphère", a dit Naomi Vaughan, climatologue à l'Université d'East Anglia (Grande-Bretagne), devant les scientifiques réunis pour la 2e Conférence d'ingénierie du climat.

De fait, 90% des projections climatiques du groupe d'experts du Giec donnent un rôle clé à ces "émissions négatives" (retirer du CO2 de l'atmosphère) si le monde veut rester sous les 2°C.

Parmi les projets de capture du CO2 figurent l'intensification de l'érosion des roches (phénomène qui absorbe le CO2), la production à grande échelle de charbon de bois à partir de déchets organiques, la récupération du CO2 émis par la combustion de biocarburant ou encore l'aspiration du dioxyde de carbone contenu dans l'atmosphère.

La plantation massive d'arbres - qui stockent le CO2 - est elle aussi considérée comme faisant partie des méthodes d'élimination du dioxyde de carbone.

- Une pente dangereuse? -

L'autre approche, beaucoup plus controversée, le contrôle du rayonnement solaire, consiste à renvoyer assez de rayons solaires dans l'espace pour abaisser la température mondiale d'un degré ou deux.

La méthode consisterait à injecter dans la stratosphère des milliards de particules réfléchissantes, ou à accroître par des procédés chimiques la brillance de nuages.

"Il sera très difficile d'atteindre l'objectif de l'accord de Paris de rester sous les 2°C sans avoir recours à au moins une, si ce n'est deux, de ces formes de géo-ingénierie", estime Mark Lawrence, directeur de l'Institute for Advanced Sustainability Studies basé à Potsdam.

Mais pour certains scientifiques, la géo-ingénierie est une pente dangereuse.

"Elle détourne l'attention de la nécessité de réduire les émissions" de gaz à effet de serre, estime Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l'Université catholique de Louvain et ancien vice-président du Giec. "Retirer le CO2 donne l'illusion que nous pouvons continuer à utiliser les énergies fossiles indéfiniment", a-t-il déclaré à l'AFP.

D'autres experts s'inquiètent surtout d'une manipulation du rayonnement solaire.

"C'est la première fois depuis le développement des armes nucléaires que nous avons un ensemble de technologies porteuses de conséquences sur la Terre ainsi que sur la société humaine, à une échelle planétaire", souligne Arunabha Ghosh, président du Conseil de l'énergie, de l'environnement et de l'eau à New Delhi.

Le contrôle du rayonnement solaire pourrait notamment perturber les précipitations, et donc l'agriculture, relèvent ces critiques.

Les effets secondaires - réels ou supposés - de cette technique risquent aussi de provoquer des conflits, ajoute Myles Allen, qui dirige le groupe de recherche sur le climat de l'Université d'Oxford. Les pays victimes d'une sécheresse, explique-t-il, pourraient par exemple accuser quiconque utilise le contrôle du rayonnement solaire d'en être responsable.

Ces technologies pouvant être développées unilatéralement par un pays ou une entreprise, il s'agira aussi de savoir qui déterminera les règles régissant leur usage.

"Nous devons imaginer des accords gouvernementaux qui n'ont jamais été imaginés auparavant", relève M. Ghosh, soulignant cependant qu'entretemps, la recherche doit se poursuivre.

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